Comment les tumeurs du cerveau échappent au système immunitaire
Une fonction capitale du système immunitaire est d’éliminer des millions de cellules anormales potentiellement cancéreuses qui se forment spontanément en nous chaque jour. Pour éviter d’être détruites dès leur apparition, les cellules cancéreuses doivent donc absolument développer la capacité de demeurer indétectables afin d’échapper à la vigilance des cellules immunitaires spécialisées dans leur élimination, les lymphocytes T tueurs notamment.
IMMUNOTHÉRAPIE
Un des subterfuges utilisés par les cellules cancéreuses pour échapper à ces cellules est d’exprimer à leur surface une protéine appelée PD-L1 : cette protéine neutralise l’antenne moléculaire PD-1 utilisée par les lymphocytes T pour détecter une cellule anormale et leur permet donc d’aveugler les lymphocytes et d’échapper à la destruction.
La base de l’immunothérapie est donc de neutraliser cette interaction entre les cellules immunitaires et tumorales de façon à permettre au système immunitaire de s’activer et d’éliminer les cellules cancéreuses.
Au cours des dernières années, plusieurs anticorps capables d’empêcher l’interaction PD-L1/ PD-1 ont fait leur apparition en clinique et les résultats obtenus sont dans certains cas tout à fait remarquables, en particulier chez des patients atteints de mélanomes métastatiques ou d’un cancer du poumon (1).
Par contre, une grave limitation de cette approche immunothérapeutique, dont on ne comprend toujours pas les raisons, est la résistance à ces médicaments observée chez plusieurs patients ainsi que l’apparition de désordres immunitaires graves chez certains d’entre eux.
ACCUMULATION DE CUIVRE
Des études antérieures ont montré que certaines cellules cancéreuses, celles présentes dans les tumeurs cérébrales notamment, sont avides de cuivre et peuvent en contenir jusqu’à 6 fois plus que les cellules normales (2).
Pour déterminer si cette accumulation anormale de cuivre pourrait contribuer à la résistance à l’immunothérapie, une équipe de chercheurs australiens a analysé des échantillons provenant de tumeurs connues pour ne pas répondre à l’immunothérapie, soit les neuroblastomes (la principale forme de cancer du cerveau chez les enfants) et les glioblastomes (le cancer ayant l’un des pires taux de survie, soit 5 % après 5 ans).
Ils ont tout d’abord observé une forte corrélation entre l’expression de la protéine CTR-1, responsable du transport du cuivre dans les cellules, et la protéine PD-L1 utilisée par les cellules cancéreuses pour échapper au système immunitaire (3).
Cette association semble causée par un impact direct du cuivre sur l’expression de PD-L1, car l’addition de ce métal à des cellules de neuroblastomes et de glioblastomes a montré une forte activation du gène codant cette protéine.
À l’inverse, l’addition d’une molécule qui trappe spécifiquement le cuivre, la triethylènetetramine (TETA), bloque cette hausse d’expression de PD-L1 dans les cellules cancéreuses.
Ces résultats suggèrent donc qu’une réduction des taux de cuivre pourrait priver les cellules cancéreuses de leur principal moyen de tromper le système immunitaire.
AMÉLIORER L’IMMUNOTHÉRAPIE
Le potentiel clinique de cette approche a été évalué en administrant le chélateur de cuivre (TETA) à des animaux porteurs de neuroblastomes et de glioblastomes.
Les chercheurs ont observé que cette molécule faisait considérablement diminuer l’expression de PD-L1 dans les tumeurs, augmentait le nombre de lymphocytes T tueurs dans la matrice tumorale et améliorait la survie des animaux.
Ces résultats mettent en lumière le rôle important du cuivre dans la résistance de certaines tumeurs à l’action du système immunitaire et suggèrent qu’une réduction des taux sanguins de ce métal pourrait constituer une avenue prometteuse pour améliorer l’efficacité de l’immunothérapie.
Cela est d’autant plus intéressant que ces chélateurs de cuivre sont déjà utilisés en clinique pour traiter certains désordres, comme la maladie de Wilson, un désordre génétique qui entraîne une accumulation excessive de cuivre dans différents organes.
Ces molécules sont peu coûteuses, n’ont pas d’effets secondaires majeurs et on pourrait donc rapidement évaluer leur potentiel à améliorer l’efficacité des immunothérapies dans des essais cliniques.
(1) Zhang T et coll. The efficacy and safety of anti-PD-1/ PD-L1 antibodies for treatment of advanced or refractory cancers: a meta-analysis. Oncotarget 2016 ; 7 : 73068-79.
(2) Denoyer D et coll. Targeting copper in cancer therapy: ‘Copper That Cancer’. Metallomics 2015 ; 7 : 1459-76.
(3) Voli F et coll. Intratumoral copper modulates PD-L1 expression and influences tumor immune evasion. Cancer Res. 2020 ; 80 : 4129–4144.