Un scandale étouffé
J’ai promis hier d’écrire de nouveau sur la nomination des juges par le gouvernement Trudeau.
L’actualité me force à le faire dès aujourd’hui.
MOTION BATTUE
Car jeudi, à Ottawa, la demande d’enquête parlementaire sur ce sujet déposée par le bloquiste Rhéal Fortin au comité de la justice du Parlement a été... battue !
Tout s’est passé à huis clos. Les votes n’ont donc pas été enregistrés officiellement.
Il est tout de même possible d’identifier la formation qui a permis d’éviter qu’on se penche sur ce sujet.
Un sujet, rappelons-le, où il y a « matière à scandale », selon ce que d’anciens conseillers de ministres de la Justice à Ottawa ont carrément écrit dans un courriel révélé par Radio-Canada.
POST-IT ORANGE
Les libéraux, évidemment hostiles à tout examen de ce genre, y sont en minorité.
Ils ont eu besoin d’un coup de pouce pour empêcher l’enquête. Le Bloc a déposé la motion. Et les conservateurs ont dénoncé avec force le système libéral de nomination des juges, après les troublantes révélations de collègues journalistes.
Reste le NPD, plus précisément le député Randall Garrison. Les libéraux ont été « sauvés » par un post-it orange... Encore une fois. Comme lors du dernier vote de confiance en chambre.
On imagine le soupir de soulagement des libéraux.
L’ENQUÊTE
Le comité se serait penché sur « l’utilisation des informations sur les activités politiques, les dons à un parti politique ou l’appartenance politique des » candidats.
On pense à l’utilisation, par le gouvernement Trudeau, de la « libéraliste » – banque de données du PLC – afin de scruter les orientations partisanes de candidats à la magistrature.
Le comité de la justice aurait fait comparaître le ministre David Lametti et « tout autre témoin » jugé pertinent.
Mathieu Bouchard, ancien conseiller de Justin Trudeau, aurait sûrement été un de ceux-là. Il était déterminant dans le processus libéral puisque, selon des courriels internes que j’ai pu consulter, il intervenait en amont et en aval du processus.
L’ABC
Les libéraux ne sont pas les seuls à être nerveux face à la possibilité qu’on scrute le processus de nomination des juges.
L’Association du Barreau canadien (ABC), organisme où milite un très grand nombre de candidats à la magistrature pour faire preuve d’« engagement » dans la communauté, a manifesté son inconfort dans deux communiqués récents.
Certes, elle conclut l’un d’entre eux avec un : « Il est temps de rendre le système plus imperméable aux manipulations partisanes ».
Mais le 16 novembre, Manon Dulude, directrice générale de la division du Québec, énonçait une règle qui empêcherait pratiquement de faire une évaluation détaillée de ce processus.
Elle soulignait « l’importance de faire preuve d’une grande prudence avant de désigner nommément et publiquement » des juges ou candidats « comme l’ont fait certains médias récemment ».
Voilà une manière à peine subtile d’intimer aux médias de ne pas révéler le détail des jeux de coulisses potentiellement scandaleux qui débouchent sur les nominations.
Cela ne semble pas « raisonnable », pour reprendre un terme courant chez les juristes.