Le Journal de Montreal

Un abuseur d’enfant obtient la clémence de la cour

L’ex haut fonctionna­ire a agressé sexuelleme­nt une enfant pendant 21 mois

- MICHAËL NGUYEN

Malgré un arrêt récent de la Cour suprême prônant un durcisseme­nt des peines pour les abuseurs d’enfants, une juge a accordé la clémence à un ex haut fonctionna­ire fédéral en le condamnant à 90 jours de prison les fins de semaine pour 21 mois d’abus sexuels sur une fillette.

« Je suis encore en train de digérer ça, je ne sais pas quoi en penser. Je suis déchirée, parce qu’il a gâché ma vie », a déclaré au Journal la victime de Fred Jacques à la suite du jugement rendu cette semaine au palais de justice de Montréal.

C’est qu’entre 1974 et 1976, Jacques, maintenant âgé de 64 ans, a fait vivre l’enfer à une enfant de 9 ans. Les abus étaient fréquents et variés et même après toutes ces années, la victime ne s’en est toujours pas remise totalement.

« J’ai la sensation d’avoir vécu les 50 dernières années dans une boîte noire, avait-elle dit à la cour. J’y ai été enfermée contre ma volonté et je ne sais comment en sortir. »

Après qu’il eut plaidé coupable d’attentat à la pudeur, la Couronne avait réclamé deux ou trois ans d’incarcérat­ion. Elle s’était basée sur l’arrêt Friesen de la Cour suprême, qui rappelle que les sentences doivent refléter la priorité de protéger les enfants.

ACCUSÉ « MODÈLE »

Or, même si la juge a pris acte de cet arrêt, elle a préféré mettre l’accent sur la réhabilita­tion de l’accusé, qui a mené une « vie exemplaire » après ses crimes.

« Il a apporté une contributi­on bénéfique à la société durant toute sa vie », a déclaré la juge Suzanne Costom en soulignant qu’il avait fait du bénévolat auprès des femmes victimes de violence et qu’alors qu’il était à l’emploi d’Affaires mondiales Canada, il a travaillé sur des politiques pour les droits de la personne.

« Son travail était très difficile et a eu des répercussi­ons importante­s sur sa santé mentale et physique », a même dit la juge.

Pour la professeur­e du départemen­t des sciences juridiques de l’UQAM, Rachel Chagnon, il est clair que si la juge a noté les conséquenc­es dévastatri­ces sur la victime, elle a surtout montré de l’empathie pour l’accusé.

« Ici, c’est le génie de la défense [Me Pierre Poupart] qui a pu positionne­r son client comme une victime lui aussi », a-t-elle commenté.

Car lors des plaidoirie­s, Jacques a affirmé avoir à l’époque été victime d’abus de la part d’une femme plus âgée.

« Un jeune homme victime d’une femme prédatrice a beaucoup de potentiel de sympathie, la victime ne faisait pas le poids », explique la professeur­e en constatant que la juge avait ainsi adhéré au discours de l’accusé.

La magistrate a également retranscri­t les paroles de la défense, voulant que les crimes de Jacques se limitent à des « caresses » et des « câlins », alors que la Cour suprême a recommandé de mettre fin à ces termes qui peuvent donner l’impression que le crime est moins grave.

« J’ai peine à voir comment [pénétrer] une enfant de 9 ans peut être décrit comme une “caresse” », avait pour sa part dit la victime à la cour.

La Couronne a un mois pour décider si elle portera la cause en appel.

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PHOTO COURTOISIE Fred Jacques, un ancien haut fonctionna­ire fédéral, a obtenu la clémence du tribunal pour avoir abusé d’une enfant pendant près de deux ans.

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