Quand les espions se font des peurs
Qu’est-ce qu’un géant comme les États-Unis peut craindre au juste ? Qu’est-ce qu’un budget militaire aussi imposant que celui des dix autres pays les plus dépensiers réunis ne peut pas réussir à accomplir ? Les services de renseignement américains ont de l’imagination, croyez-moi.
Une fois par année, pour m’empêcher de dormir la nuit, je lis le portrait que tirent les agences d’espionnage et de contre-espionnage américaines des menaces qui guettent le monde. Cauchemars garantis cette année encore !
Les États-Unis, à ce qu’on lit dans le « Rapport d’évaluation des menaces » récemment publié par le Bureau du directeur du renseignement national, ont quatre grands ennemis et deux monstrueux adversaires.
Il y a d’abord les Russes qui « continuent d’employer une variété de tactiques pour miner l’influence américaine », mais heureusement ne cherchent pas un face à face militaire avec les Américains.
Il faut, par ailleurs, se méfier des Iraniens, selon les espions et analystes américains, même si leur économie se détériore et qu’ils ont plutôt mauvaise presse au Moyen-Orient. Ils vont « continuer de prendre des risques pouvant entraîner une escalade de tensions avec les alliés des États-Unis dans la région », Israël et l’Arabie saoudite pour ne pas les nommer.
LA BOMBE, TOUJOURS ELLE
Gardons espoir toutefois, le rapport conclut que l’Iran n’a pas encore entrepris les activités nécessaires à la production d’armes nucléaires. Ouf ! Les Nord-Coréens, eux aussi, doivent être surveillés de près.
Relativement discret depuis la fin de 2019, Kim Jong-un pourrait choisir de lancer la Corée du Nord dans des actions agressives et déstabilisatrices, son objectif restant « de gagner prestige, sécurité et acceptation comme puissance nucléaire ».
La portion de l’analyse la plus préoccupante porte sur la Chine, décrite, contrairement aux autres, comme un « concurrent quasi égal ». En plus de défier Washington sur les plans économique, militaire et technologique, « Pékin poursuit l’expansion et la diversification de son arsenal nucléaire les plus rapides de son histoire ».
Et contrairement à la Russie, la Chine ne montre aucun intérêt pour les accords de contrôle des armements qui restreindraient ses plans de modernisation. En d’autres mots, les Chinois s’obstinent, ce qui n’augure rien de bon, selon les experts américains.
ENTRE VENTS ET VIRUS
Deux autres rivaux, plus complexes et potentiellement plus dévastateurs, se sont glissés dans le rapport des grandes menaces 2021 : la COVID-19 et le climat. Même si on entrevoit, grâce à la vaccination, une victoire sanitaire, les conséquences économiques de la pandémie « vont créer ou aggraver l’instabilité dans plusieurs pays avec des populations encore plus désespérées ». Les implications, croit-on, se feront sentir à travers le monde pendant des années.
Les bouleversements climatiques, enfin, et la dégradation de l’environnement due à la pollution généreront un enchaînement de troubles sociaux. S’inspirant des ouragans qui ont déferlé sur l’Amérique centrale en 2020 après des années d’alternance entre sécheresse et tempêtes, les analystes entrevoient des migrations de plus en plus fortes, des crises humanitaires de plus en plus graves et des risques de plus en plus réels de radicalisation de ces miséreux.
De quoi, je vous ai prévenu, se réveiller la nuit en sueur.