Le Journal de Montreal

Des mises en demeure pour faire taire les parents

- DOMINIQUE SCALI

Plusieurs centres de services scolaires (CSS) ont pris l’habitude d’envoyer des mises en demeure aux parents qui dénoncent l’intimidati­on vécue par leur enfant afin de « les faire taire », rapporte un avocat en droit civil.

« Ça ne se fait pas », critique François-David Bernier, qui remarque que de plus en plus de parents se tournent vers le système judiciaire devant l’incapacité du système scolaire à faire cesser l’intimidati­on.

Le 23février, Renée-Claude Lapointe a reçu une mise en demeure de son CSS. Craignant les représaill­es, elle préfère donc que le nom du CSS ne soit pas publié.

On lui reproche alors de tenir des propos « de nature à porter atteinte à la réputation des employés de l’école », peut-on lire dans le document qu’a pu consulter Le Journal.

À moins que le parent ait été violent avec le personnel ou que l’école possède des preuves accablante­s de ce qu’ils avancent, cette façon de « faire taire les chialeux » peut ressembler à une « procédure bâillon », explique Me Bernier.

Pendant ce temps, les parents n’ont à peu près pas de recours au sein du système, sauf le Protecteur de l’élève, qui n’a qu’un pouvoir de recommanda­tion.

ON LUI AVAIT DONNÉ RAISON

En 2021, la Protectric­e de l’élève a reconnu dans un rapport que la situation d’Alias [voir texte ci-contre] s’était dégradée « en raison de ce manque de sensibilis­ation à la violence et à l’intimidati­on. Le personnel semblait manquer de support de la part de la direction », conclut-on.

La Protectric­e recommanda­it alors que le personnel et les directions soient mieux formés sur la question.

Mais depuis, cette formation n’a toujours pas eu lieu parce qu’elle « n’est offerte par aucun organisme », arguait la responsabl­e du traitement des plaintes .

« Au lieu de mettre de l’argent à créer la formation, on met de l’argent pour que des avocats attaquent le parent », souligne Mme Lapointe.

La situation de Mme Lapointe est délicate, car elle se présente à la fois comme parent d’élèves et comme experte en matière de harcèlemen­t, ce qui a parfois été perçu comme de l’ingérence par le CSS.

PAS LA SEULE

Or, elle n’est pas la seule à croire qu’il y a un déficit d’expertise sur le sujet dans le réseau.

En général, les plans de lutte contre l’intimidati­on visent la prévention, mais il y a très peu de détails sur la façon de gérer adéquateme­nt l’intimidati­on une fois qu’elle est déjà là, remarque Mélanie Laviolette, présidente de la Fédération des comités de parents du Québec (FCPQ).

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