Le Journal de Montreal

IL Y A 10 ANS, PAULINE MAROIS TOURNAIT LA PAGE SUR LA VIE POLITIQUE

- Chroniqueu­se politique karine.gagnon@quebecorme­dia.com

Il y a 10 ans, le 23 avril 2014, la première femme première ministre du Québec, Pauline Marois, quittait officielle­ment ses fonctions, tournant la page sur 33 ans de vie politique. Aujourd’hui encore, elle suit avec attention tout ce qui concerne la politique familiale, dont la déroute la préoccupe énormément.

« J’avais oublié ça, que c’était hier. Je n’y ai pas pensé, parce que je ne suis pas une femme d’amertume ni de regret », lance-t-elle à l’évocation que la veille de notre rencontre marquait les 10 ans de son retrait de la vie politique.

« C’est sûr qu’on reste avec une peine, car j’aurais tellement voulu faire plus », dit l’ancienne cheffe péquiste au sujet de sa défaite de 2014, après seulement un an et demi au pouvoir.

Son gouverneme­nt avait un plan, des projets, une vision. Après neuf ans dans l’opposition, il était plus que prêt, et elle aussi.

Sauf que regarder derrière nous, estimet-elle, « c’est beaucoup de temps perdu ».

Pauline Marois a publié une biographie, en pleine pandémie en 2020, mais elle l’a fait par devoir de mémoire, pour la suite, précise-t-elle.

Il y a encore peu de femmes en politique, remarque-t-elle, et aucune autre n’a occupé le siège de première ministre au Québec.

MANQUER DE VIES

De passage dans sa région natale de Québec assez régulièrem­ent, Pauline Marois ne manque jamais de visiter sa mère Marie-Paule, « une force de la nature » qui est âgée de 98 ans.

Elle avait partagé un repas avec elle la veille, fidèle à son habitude. « Je ne tiens pas des voisins pour ma santé de fer », souligne-t-elle.

Très occupée et sollicitée, celle qui a occupé une vingtaine de ministères, dont la Santé, l’Éducation et les Finances, doit refuser plusieurs demandes.

Elle en reçoit énormément pour des entrevues, prononcer des conférence­s, offrir des formations, participer à des projets de recherche ou culturels, comme pour l’opéra Albertine en cinq temps, qu’elle a soutenu au départ et qui sera bientôt présenté à Paris.

Elle s’occupe de dossiers qui concernent les jeunes, comme Forces Avenir qui prône l’engagement étudiant au Québec, et dont elle assume la présidence du conseil d’administra­tion de la fondation.

« J’ai un problème avec le temps, j’en manque toujours. Je manque de vies », confie celle qui a soufflé ses 75 bougies en mars.

Elle reçoit aussi beaucoup de demandes pour commenter l’actualité, qu’elle refuse la plupart du temps, bien qu’elle soit toujours aussi passionnée par la politique, qu’elle soit québécoise, française ou américaine.

JOUER AU « BEAU-PÈRE »

Car si Pauline Marois aime bien jouer au gérant d’estrade avec des amis, elle

se garde bien de « jouer au beau-père », dit-elle avec un clin d’oeil.

« Je me dis que c’est déjà difficile d’exercer le leadership politique, d’occuper ces fonctions [...] J’ai pas le goût d’aller souffler dans le cou de ceux qui ont suivi. »

Comme chef et première ministre, elle s’est souvent fait faire le coup et n’a pas apprécié.

« Ça m’a nui et ça m’a blessée, ça m’a atteint et ce n’était pas nécessaire », ditelle en pensant notamment aux débats sur la laïcité, travail qui lui a valu un prix internatio­nal en 2022.

Convaincue depuis 30 ans que la laïcité s’imposait – elle a mis de l’avant en 1997 la réforme qui visait la laïcité du système scolaire québécois –, Mme Marois avait trouvé difficiles les critiques sur la charte des valeurs.

De la même manière, elle n’a aucune intention de commenter les sorties ou la stratégie du chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon.

Elle attribue le retour du PQ au leadership et au style de son chef, « qui est venu faire la différence ».

« On se parle assez régulièrem­ent [...] Je fais des remarques, je lui dis ce que je pense, mais je ne me mêle pas de ses stratégies et je n’interviens pas sur la place publique. »

POLITIQUE FAMILIALE EN DÉROUTE

Mais l’un des dossiers sur lequel l’ex-première ministre accepte souvent de revenir, car il s’agit de sa grande fierté, de son bébé, c’est sur le développem­ent de la politique familiale, avec le réseau des centres de la petite enfance (CPE).

Elle se désole d’en voir l’évolution, avec un développem­ent des CPE qui accuse des retards et l’accent qui est plutôt mis pour soutenir l’émergence de garderies privées.

« Cette politique a eu un impact considérab­le sur la richesse de la société québécoise, mais sous un angle bien particulie­r : ça fait reculer la pauvreté chez les enfants, dans les familles et chez les femmes », dit-elle, rappelant qu’en offrant des services de garde à prix réduit, on a donné la chance à bien des femmes de retourner sur le marché du travail.

Après les libéraux qui à ses yeux ont laissé tomber les CPE, la CAQ a fait des efforts à son arrivée, concède-t-elle.

« Mais actuelleme­nt, je ne sais pas où ils s’en vont [...] Mathieu Lacombe, quand il est arrivé, a vraiment voulu faire un effort, mais on n’en sent pas le résultat. Moi ça m’attriste et ça m’affecte. »

Selon elle, il n’est jamais trop tard pour renverser la vapeur et éviter un système de garde à trois vitesses.

La solution ? Le message doit être clair à l’effet qu’on ne développer­a plus de services garde à but lucratif ou commerciau­x, pour n’accorder des permis qu’aux CPE existants ou à naître.

« J’irais jusqu’à racheter les permis, et à inviter les parents à s’approprier les conseils d’administra­tion de ces centres. Il y a un coût à payer, ça, c’est sûr, admet Mme Marois, mais j’irais jusque-là. »

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 ?? PHOTOS STEVENS LEBLANC ET D’ARCHIVES ?? 1. L’ex-première ministre du Québec Pauline Marois se dit toujours aussi passionnée par la politique, qu’elle soit québécoise, française ou américaine.
2. Élue première ministre du Québec le 4 septembre 2012, la cheffe du Parti Québécois, Pauline Marois, fait à nouveau campagne en 2014 dans l’espoir d’être reportée au pouvoir. On la voit ici le 5 mars 2014 au jour 1 de la campagne, à bord de l’autobus du parti.
3. Le 7 avril 2014, Pauline Marois donne sa démission après la défaite du Parti Québécois aux mains des libéraux de Philippe Couillard. 2
PHOTOS STEVENS LEBLANC ET D’ARCHIVES 1. L’ex-première ministre du Québec Pauline Marois se dit toujours aussi passionnée par la politique, qu’elle soit québécoise, française ou américaine. 2. Élue première ministre du Québec le 4 septembre 2012, la cheffe du Parti Québécois, Pauline Marois, fait à nouveau campagne en 2014 dans l’espoir d’être reportée au pouvoir. On la voit ici le 5 mars 2014 au jour 1 de la campagne, à bord de l’autobus du parti. 3. Le 7 avril 2014, Pauline Marois donne sa démission après la défaite du Parti Québécois aux mains des libéraux de Philippe Couillard. 2

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