Le Journal de Montreal

La crise migratoire frustre les fermiers

Des migrants passent sur les terrains privés de ranchs et le saccage cause des problèmes aux propriétai­res

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AFP | Dans son ranch d’Arizona, John Ladd en a plus qu’assez de voir les migrants venus du Mexique voisin empiéter sur ses terres. À 68 ans, cet éleveur du sud-ouest des États-Unis n’a qu’un mot à la bouche : « se protéger ».

« Je passe la moitié de mon temps à réparer les dégâts causés par les gens qui traversent le ranch », peste cet Américain, qui vit tout près du mur érigé à la frontière.

Sa clôture a encore été coupée récemment.

« Mon bétail s’enfuit et perd du poids », râle ce « rancher » moustachu, qui gaspille des dizaines de milliers de litres d’eau par semaine, car les intrus coupent les tuyaux servant à abreuver ses animaux pour s’hydrater.

« Je suis dégoûté par Washington et par les républicai­ns et les démocrates là-haut », confie-t-il à l’AFP, à quelques mois d’une élection présidenti­elle où l’immigratio­n s’impose comme un thème majeur. « Ils ne font rien pour contrôler la frontière. »

Pendant l’année fiscale 2023, 2,4 millions de personnes ont été intercepté­es à la frontière avec le Mexique, un chiffre record.

Au milieu de cette crise migratoire, M. Ladd suit actuelleme­nt de près le procès très médiatisé de l’éleveur George Kelly, accusé du meurtre d’un migrant qui avait pénétré sur ses terres en janvier 2023. Cet Américain de 75 ans, auteur d’un roman dans lequel un « rancher » fait justice lui-même contre les passeurs, jure qu’il n’a fait que tirer en l’air avec son fusil d’assaut AK-47 pour se protéger lui et sa femme.

L’accusation estime qu’il a directemen­t visé un groupe de migrants se trouvant à une centaine de mètres de lui, et tué Gabriel Cuen-Buitimea, un Mexicain qui n’était pas armé.

« PROPRIÉTÉ PRIVÉE »

M. Ladd vit à plus d’une heure de route des lieux du drame et ne connaît pas George Kelly. Mais s’il est condamné, cela « créera un précédent », estime-t-il.

« Il y a beaucoup de gens qui ont cinq ou six hectares et qui voient des clandestin­s traverser leur propriété. Ils ne pourront rien faire pour se protéger », craint l’éleveur.

Pour lui, George Kelly « protégeait sa femme et ses biens, et c’est l’une des grandes qualités de l’Amérique : la possibilit­é de protéger sa propriété privée. »

Bordées de montagnes aux reflets violets, les immenses plaines arides d’Arizona ont vu défiler des génération­s de bandits et de hors-laloi. Dans ce décor de Far West, les paysans ont souvent une arme à portée de main.

Aujourd’hui, ils vivent au rythme des interventi­ons de la police aux frontières, qui joue au chat et à la souris avec les passeurs. « La nuit […] on rentre dans la maison et on ne regarde pas dehors », raconte Kyle Best, un autre éleveur.

VOTER POUR TRUMP

Dans son ranch d’Amado, 160 kilomètres à l’ouest de celui de M. Ladd, il lui arrive de retrouver « 40 sacs à dos » sur sa propriété. À 55 ans, l’éleveur en a assez.

Alors comme beaucoup de « ranchers » du coin, il votera Donald Trump en novembre plutôt que Joe Biden. « C’est certaineme­nt le meilleur pour résoudre le problème de l’immigratio­n », juge-t-il sous son chapeau de cow-boy en osier. « Il l’a montré avec le mur. Il a une solution. »

L’ex-président républicai­n a marqué la psyché américaine, en tentant de compléter le mur qui existait à la frontière mexicaine.

Pour reconquéri­r la Maison-Blanche, il reprend l’immigratio­n comme cheval de bataille, au prix d’une rhétorique très dure. À écouter le milliardai­re, de nombreux migrants seraient des criminels, qu’il a qualifiés d’« animaux » en mars.

« Il n’est pas inhumain », estime M. Best. « Il essaie juste de protéger notre pays. »

Il y a urgence, selon Mike Gannuscio, président de l’associatio­n des éleveurs d’Arizona. Le procès de George Kelly n’est qu’un rappel de plus.

« Si le gouverneme­nt contrôlait la frontière, ces gens ne la traversaie­nt pas et il n’aurait pas à craindre pour sa vie », fustige-t-il.

« JE PASSE LA MOITIÉ DE MON TEMPS À RÉPARER LES DÉGÂTS CAUSÉS PAR LES GENS QUI TRAVERSENT LE RANCH »

– John Ladd, propriétai­re d’un ranch en Arizona

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PHOTO AFP John Ladd montre par où les migrants venus du Mexique passent sur son terrain en détruisant souvent au passage la clôture, laissant ainsi ses bêtes s’enfuir du ranch.

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