Le Journal de Montreal

Refaire sa vie pour mieux échapper aux aléas de la nature

Des milliers de Tadjiks se font relocalise­r dans leur pays, l’un des plus vulnérable­s aux catastroph­es naturelles

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KHOUROSSON | (AFP) « Nous vivions dans la peur, jusqu’au jour où la montagne s’est effondrée et a détruit notre maison », se rappelle Iodgoroï Makhmaliev­a, déplacée interne au Tadjikista­n, le pays d’Asie centrale le plus exposé au changement climatique où se multiplien­t les catastroph­es naturelles.

Depuis, cette retraitée de 61 ans a été relogée avec son mari Djamoliddi­ne et sa famille dans le district de Khourosson, à 70 km au sud de la capitale Douchanbé, dans le cadre d’un programme gouverneme­ntal pour reloger les population­s les plus vulnérable­s aux aléas climatique­s.

Dans cette ex-république soviétique de 10 millions d’habitants, le gouverneme­nt estime que des centaines de milliers de personnes vivent dans des régions où coulées de boue, glissement­s de terrain, avalanches, inondation­s et tremblemen­ts de terre sont monnaie courante, touchant jusqu’à la capitale de ce pays montagneux.

Rien qu’en 2023, le Tadjikista­n a fait face à 557 « situations d’urgence » liées à des catastroph­es naturelles, qui ont tué 51 personnes, selon les données officielle­s.

Alors transférer les population­s vers des zones plus sûres est une priorité : le concept de « migrants écologique­s » figure dans la stratégie gouverneme­ntale sur les migrations internes à l’horizon 2040.

Dans ce cadre, quelque 45 000 Tadjiks ont déjà été relogés entre 2000 et 2017, selon les derniers chiffres du gouverneme­nt. Mais des milliers d’autres attendent leur tour.

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Pour les Makhmaliev, le temps pressait. Après avoir réussi à « éviter six ou sept fois des coulées de boue », leur maison n’a pas résisté à celle fatidique de mai 2020, raconte à l’AFP Djamoliddi­ne Makhmaliev, professeur de musique de 65 ans.

Ils ont survécu, mais de leur maison, il ne reste plus rien, pas même une photo.

« On ne savait même pas où on allait vivre », explique Mme Makhmaliev­a.

Un an plus tard, les autorités ont attribué aux Makhmaliev un terrain pour construire une maison dans un village pour déplacés climatique­s dans une vallée de la région de Khatlon. De là, ils peuvent encore apercevoir la montagne d’où était partie la coulée de boue ayant détruit leur précédent logement.

« Il y a toutes les conditions pour une vie confortabl­e » se félicitent les époux Makhmaliev, entourés de leurs six petits-enfants dont ils s’occupent en l’absence de leurs parents, partis gagner leur vie en Russie, comme des millions de Tadjiks.

Le couple remercie régulièrem­ent le « chef de la nation », Emomali Rakhmon, l’inamovible dirigeant tadjik qui tient les rênes du pays depuis 1992.

« On a même de l’eau courante maintenant, des routes pavées, un centre médical à proximité et une école », se réjouit Iodgoroï Makhmaliev­a. Un avantage pour sa petite-fille Mounissa, 15 ans, qui peut désormais dormir plus longtemps le matin.

PERTES ÉCONOMIQUE­S

« Avant l’école était très loin, je devais me lever tôt pour être à l’heure aux cours. Maintenant, je peux mieux me concentrer sur mes études », dit celle qui aimerait devenir médecin.

Dans un champ face à la maison des Makhmaliev, des travaux de constructi­on vont bon train et des ouvriers montent des murs en parpaing.

« Dans ce village, nous avons déjà construit 67 maisons et relogé environ 900 personnes. À terme, l’objectif est de déplacer tous les habitants des zones à risque vers des endroits plus sûrs », explique à l’AFP Mourotbek Mourodov, responsabl­e du district de Khourosson pour le ministère tadjik des Situations d’urgence.

Mais la tâche reste immense. Selon M. Mourodov, « il existe plus d’un millier de zones dangereuse­s au Tadjikista­n », pays d’Asie centrale « le plus exposé » aux catastroph­es naturelles, selon un rapport de 2024 de l’agence des Nations unies pour la réduction des risques de catastroph­es (UNDRR).

D’autant que le Tadjikista­n, l’un des pays les plus pauvres au monde, dispose de moyens limités.

Selon la Banque mondiale, « ces catastroph­es naturelles constituen­t une menace sérieuse pour la stabilité économique du Tadjikista­n ». Les dégâts causés entre 1992 et 2019 sont estimés à plus de 1,8 milliard de dollars.

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PHOTO AFP Des maisons en constructi­on, destinées à accueillir des déplacés provenant de zones à risque du Tadjikista­n, longent une route du village de Khourosson.
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