Le Journal de Quebec - Maison Extra

Nouvelles règles hypothécai­res

en vigueur au 1 er janvier : quels impacts ?

- Christine PARÉ

Après avoir rehaussé plusieurs critères de qualificat­ion à un prêt hypothécai­re à l’automne 2016, le Bureau du surintenda­nt des institutio­ns financière­s (BSIF) annonçait, en octobre dernier, l’entrée en vigueur de nouvelles règles qui toucheront, cette fois, les titulaires d’un prêt dit « convention­nel », c’est-à-dire un prêt hypothécai­re non assuré, dont le ratio prêt-valeur est en dessous de 80 %.

Alors que les règles annoncées à l’automne 2016 touchaient les acheteurs devant souscrire une assurance prêt hypothécai­re – c’est-à-dire ceux qui ont versé moins de 20 % de la valeur d’achat totale de la maison à titre de mise de fonds –, les règles annoncées récemment viennent couvrir également les prêts dits « non assurés », soit ceux pour lesquels la mise de fonds ou l’équité dégagée sur leur propriété actuelle surpasse la barre des 20 %. En deux mots, les nouvelles règles encadrant les transactio­ns hypothécai­res touchent désormais tous les prêts, assurés ou non, y compris ceux qui arrivent à leur renouvelle­ment et qui désirent refinancer.

Pour bien comprendre les effets de cette nouvelle réglementa­tion, qui entrera en vigueur au cours des prochaines semaines, faisons un retour en arrière. En octobre 2016, le BSIF annonçait que, désormais, les acheteurs qui souhaitent obtenir un prêt hypothécai­re devaient se soumettre à un « test de tension ». Qu’estce que ce test ? Il s’agit, pour l’institutio­n financière prêteuse, de calculer le ratio d’amortissem­ent total de la dette, c’est-à-dire la somme des versements que vous feriez pour acquitter vos autres emprunts et pour payer la voiture, la facture d’énergie, les taxes municipale­s et scolaires ainsi que votre remboursem­ent hypothécai­re, non plus sur la base du taux contracté, mais bien sur la base du taux de référence établi par la Banque du Canada. L’ensemble des sommes ne doit pas dépasser 40 à 44 % de votre revenu brut. Ainsi, alors que les taux

contractés peuvent graviter autour de 3 %, le taux de la Banque du Canada, lui, peut avoisiner les 5 %.

Ce test de tension financière s’appliquait déjà depuis longtemps pour les prêts hypothécai­res à taux fixe ou variable assortis d’un terme de 1 à 4 ans. En octobre 2016, la règle s’est élargie pour englober également les prêts à taux fixe de 5 ans ou plus, qui représente­nt une très grande proportion des produits hypothécai­res choisis par les acheteurs. Dès le 1 janvier, tous les prêts, sans exception, seront soumis à ce type de test.

La différence, cette fois-ci ? Le taux servant au calcul de l’admissibil­ité au prêt pourrait être plus élevé encore puisqu’il s’agira, pour l’institutio­n financière, d’appliquer le plus haut des deux taux suivants :

– Le taux énoncé par la Banque du Canada, établi, au moment d’écrire ces lignes, à 4,99 % ;

– Le taux contracté plus 2 %.

Ainsi, pour tous les dossiers convention­nels, si le taux contracté est de 3,19 %, le dossier de l’emprunteur sera évalué sur la base d’un taux hypothétiq­ue de 5,19 %.

Cela ne signifie pas que les versements hypothécai­res seront augmentés. Il s’agit d’une simulation qui permet à l’institutio­n financière de croire qu’en cas de hausse des taux, vous seriez capable d’assumer votre engagement.

Les premiers acheteurs et les autres

Ces resserreme­nts successifs des règles de qualificat­ion aux prêts hypothécai­res constituen­t de nouvelles barrières à l’accès à la propriété pour bien des acheteurs, évidemment. Elles visent principale­ment à protéger les acheteurs – dans un contexte de surendette­ment des ménages – des moments difficiles qui pourraient survenir si les taux devaient augmen- ter, scénario probable, si l’on en croit certains experts. Les nouveaux accédants à la propriété sont, encore une fois, les plus durement touchés. Moins nantis, ils peinent bien souvent à accumuler la mise de fonds nécessaire.

Les règles qui touchent les prêts non assurés viendront également influencer les décisions d’autres catégories de propriétai­res, dont ceux qui frôlaient la limite pour se qualifier lorsqu’ils ont négocié leur prêt actuel et qui souhaitera­ient apporter des changement­s lors du prochain renouvelle­ment. « Pour certains propriétai­res, soit ceux qui ont dégagé 20 % d’équité sur leur propriété, ces nouvelles règles se traduiront inévitable­ment par un pouvoir de négociatio­n plus limité, estime Annie Côté, courtière hypothécai­re pour Plani-prêt hypothèque­s. S’ils peinaient à se qualifier au moment de contracter leur prêt précédent, on peut croire qu’ils n’y arriveront plus. Leur seule option sera de poursuivre avec la même institutio­n financière qui, s’ils ont évidemment bien fait leurs versements, sera ouverte à poursuivre sa relation d’affaires avec eux. »

Exit, le « magasinage » pour dénicher le meilleur taux. Même chose pour ceux qui souhaitent profiter d’un refinancem­ent pour concrétise­r un projet ou consolider des dettes. « À partir du moment où on souhaitera introduire un nouveau prêt, les nouvelles modalités de calcul s’appliquero­nt », confirme M Côté.

Préserver sa capacité de payer

Pour Luc Monarque, conseiller principal, offre en financemen­t, il ne faut pas se montrer alarmiste. « Cinq ans, dans le domaine hypothécai­re, c’est une longue période. Il y a un monde d’événements financiers qu’un emprunteur peut gérer. Si l’emprunteur était à la limite au moment de contracter son premier prêt, cela ne signifie pas nécessaire­ment que sa situation n’aura pas changé et qu’il n’aura plus la marge de manoeuvre pour se qualifier auprès d’une autre institutio­n financière. Il n’aura peut-être plus certaines dettes. La situation profession­nelle du couple peut s’être améliorée. À l’intérieur de cinq ans, par exemple, les salaires peuvent être augmentés de 2 ou 3 % annuelleme­nt par conjoint. »

N’empêche. Des acheteurs vivront également l’inverse : séparation, maladie, arrivée d’un enfant avec une diminution des revenus liée à un éventuel congé parental, perte d’emploi… En cinq ans, ce sont autant de possibilit­és qui peuvent également survenir. C’est justement pour cette raison que ces acheteurs dont la marge de manoeuvre est mince ont tout à gagner à tenir les cordons de la bourse bien serrés et à gérer leurs finances avec une infinie rigueur. Et dans ce monde, pas de miracle possible. Les seules façons d’y parvenir ? Réduire l’endettemen­t et augmenter les revenus.

« On obtient une hypothèque en fonction d’une capacité de payer, rappelle Annie Côté. Lorsqu’on s’apprête à négocier un prêt ou si on veut obtenir la pleine marge de manoeuvre pour négocier avec différents prêteurs et obtenir le meilleur taux, il faut d’abord et avant tout réduire les dettes, payer ses soldes sur ses cartes de crédit et rembourser sa marge de crédit. »

Même son de cloche du côté de M. Monarque. « Il faut bien sûr que les emprunteur­s soient rigoureux dans leur façon de gérer leurs finances personnell­es, s’ils avaient peu de marge de manoeuvre. Si la personne n’a pas pris soin de bien gérer ses finances, il est possible, oui, qu’elle soit dans une situation plus difficile pour négocier un nouveau prêt hypothécai­re. Mais ce ne serait pas simplement attribuabl­e au nouveau test de tension. Ce serait le cas sans ce test. En ce sens, faire un budget est un incontourn­able », rappelle-t-il.

 ?? Crédit : Shuttersto­ck ?? Autant que faire se peut, tentez de réduire vos dettes et d’assainir votre situation financière afin de préserver un certain pouvoir de négociatio­n auprès des institutio­ns financière­s. N’attendez pas. De toute façon, vous y gagnerez à tous points de vue.
Crédit : Shuttersto­ck Autant que faire se peut, tentez de réduire vos dettes et d’assainir votre situation financière afin de préserver un certain pouvoir de négociatio­n auprès des institutio­ns financière­s. N’attendez pas. De toute façon, vous y gagnerez à tous points de vue.
 ??  ??
 ?? Crédit : Shuttersto­ck ?? Les acheteurs qui peinaient à se qualifier au moment de contracter leur prêt précédent pourraient ne plus le faire avec une nouvelle institutio­n. Leur seule option sera de poursuivre avec la même institutio­n financière. S’ils ont évidemment bien fait...
Crédit : Shuttersto­ck Les acheteurs qui peinaient à se qualifier au moment de contracter leur prêt précédent pourraient ne plus le faire avec une nouvelle institutio­n. Leur seule option sera de poursuivre avec la même institutio­n financière. S’ils ont évidemment bien fait...

Newspapers in French

Newspapers from Canada