Le Journal de Quebec - Weekend
COMPLAISANTE DAME DE FER
Film de Phyllida Lloyd mettant en vedette Meryl Streep, Jim Broadbent, Alexandra Roach et Iain Glen. À l’affiche. Meryl Streep est impeccable dans la peau de Margaret Thatcher, mais le scénario de La Dame de fer ne montre pratiquement rien de ce qui a fait sa triste renommée : son ultralibéralisme.
Au moment des attentats de Mumbai en novembre 2008, Margaret Thatcher est une vieille dame de 83 ans que personne ne reconnaît plus quand elle va acheter sa pinte de lait au dépanneur du coin.
Celle qui a fait trembler les Argentins lors de la guerre des Malouines rentre chez elle à petits pas, le regard perdu dans ses souvenirs d’attentats de L’IRA (Armée républicaine irlandaise), pour parler avec son mari, Denis, de l’augmentation du prix du lait.
Mais Denis Thatcher est mort cinq ans plus tôt et celle qui fut surnommée la « Dame de fer » (d’où le titre du film) est une vieille fragile, qui commence à souffrir de démence vasculaire; le spectateur étant invité à découvrir sa vie au fil de ses souvenirs.
Son état de santé sanctifie-t-il sa vie? Le fait d’avoir été la première et seule femme première ministre de Grande-bretagne, de 1979 à 1990, suffit-il à justifier la réécriture historique à laquelle s’est livrée la scénariste Abi Morgan?
SOUVENIRS
La réalisatrice Phyllida Lloyd (l’excellent Mamma Mia, également avec Meryl Streep) et l’actrice l’ont répété lors des entrevues de promotion du long métrage : le propos n’est pas politique, il s’agit de présenter Margaret Thatcher comme elle se voit, à travers des souvenirs choisis.
Sa relation avec Denis n’est donc pas tardive et il n’est pas fait mention de son divorce, pas plus qu’il n’est souligné que la future Dame de fer l’a épousé pour des motifs économiques afin de pouvoir se consacrer à la politique. On nous présente une histoire d’amour à la Hollywood.
Aussi très « studios californiens », l’ascension de cette femme – à qui ses origines modestes sont reprochées – dans un milieu d’hommes, anglais conservateurs de surcroît, tous aussi bornés et obtus les uns que les autres. Le féminisme effleure sans cesse, ironique quand on sait que les mouvements de femmes se sont dissociés de « Maggie » en raison de ses vues économiques et sociales.
Justement, parlant d’économie, le thatchérisme n’est pas abordé (pour plus d’informations sur les conséquences actuelles de cet ultralibéralisme, je vous conseille vivement le remarquable documentaire The Shock Doctrine, tiré du livre de Naomi Klein) si ce n’est pour nous montrer quelques images – étrangement brutales comparées au ton général du long métrage – de manifestants piétinés et battus par les policiers.
À la décharge de La Dame de fer, il faut reconnaître qu’une Margaret Thatcher croyant que son mari est encore en vie est un angle émouvant, qui génère quelques serrements de gorge. Mais est-ce suffisant?
Dans une industrie où la « vendabilité » d’une histoire prime sur l’exactitude des faits (voir Pearl Harbor, de Michael Bay, et je m’abstiens d’un mauvais jeu de mots entre La Dame de
fer et Transformers), il y a fort à parier que Meryl Streep obtiendra une nomination aux oscars (après tout, elle en détient le record... alors, tant qu’à faire), mais lui décernera-ton la statuette dorée? À suivre le 26 février...