Le Journal de Quebec - Weekend
DANS LA PEAU D’UN GARÇON
PARIS | Considérée comme une figure importante de la relève du cinéma français, la jeune cinéaste Céline Sciamma s’attarde à la question de l’identité sexuelle pendant l’adolescence dans son deuxième film, Tomboy.
Son premier long métrage, Naissance
des pieuvres (2007), creusait le même sillon, à travers l’histoire de trois adolescentes remises en question par leurs désirs sexuels. Cette fois-ci, Céline Sciamma s’est penchée sur le récit d’une jeune fille qui se fait passer pour un garçon auprès de ses nouveaux amis.
« Ce sont des histoires que je ne peux pas m’empêcher de raconter », admet la réalisatrice de 31 ans, en entrevue en janvier dernier à Paris.
« Ces histoires représentent, selon moi, de vraies opportunités de fiction parce qu’elles n’ont jamais été racontées. Dans le cas de Tomboy, j’aimais bien en plus que ce soit un sujet assez singulier, voire subversif, que j’ai abordé comme un film de genre. J’aimais bien l’équilibre entre le côté populaire et la subversion de cette histoire. »
Le Tomboy du film, c’est Laure, une petite fille de 10 ans aux allures de garçon. Déménagée au milieu de l’été avec sa famille dans un nouveau quartier, elle fait la rencontre avec une jeune voisine qui la prend pour un garçon. Prise par surprise, Laure ne la contredit pas et prétend s’appeler Mickaël. Mais plus le retour en classe approchera, plus Laure aura du mal à cacher sa véritable identité.
« Je ne voulais pas faire un film psychologique sur la raison pour laquelle Laure choisit de se faire passer pour un garçon », explique Céline Sciamma.
« Je voulais plutôt jouer sur le quiproquo, le malentendu. Je me suis intéressé au comment plutôt qu’au pourquoi. Et j’ai construit le scénario comme un film d’action, un suspense. »
TOURNAGE ÉCLAIR
De l’aveu de Céline Sciamma, Tomboy a été écrit et tourné très rapidement. Tout le contraire de Naissance des
pieuvres, qu’elle a rédigé pendant sa formation de scénariste à l’école de cinéma Fémis.
« Tomboy s’est fait dans une énergie assez particulière, dit-elle. Il s’est écoulé seulement un an entre le début de son écriture et sa sortie. J’ai écrit le scénario en seulement trois semaines et j’ai eu trois semaines aussi pour faire le casting. On l’a tourné en 20 jours, ce qui est aussi très court. »
Elle avoue avoir eu beaucoup de chance en tombant sur la jeune actrice Zoé Héran, qui joue le rôle principal du film.
« On me l’avait présenté comme une fille aux allures de garçon manqué, et elle avait en effet tout ce que je cherchais pour le rôle, soit cette androgynie et ce caractère », raconte-t-elle.
« Elle avait déjà de l’amitié pour le personnage, elle comprenait ses enjeux et en même temps, elle avait ce visage de cinéma. Elle est très photogénique. Je l’ai tout de suite choisie et j’ai fait tout le reste de casting autour d’elle. J’ai choisi notamment des vraies amies à elle, pour aller chercher une certaine authenticité, un naturel. »
Il reste que travailler avec des enfants n’est jamais simple.
« Avec les enfants, il faut que ça reste un jeu. Sinon, ils ne s’amusent plus, et ça devient du travail. Il faut donc trouver des stratégies pour qu’ils trouvent ça amusant. Ce n’est pas évident de leur demander à la fois de la concentration et d’être naturel. »
Après avoir été lancé à la Berlinale l’an passé, Tomboy a connu une belle carrière dans les festivals internationaux et a été vendu dans une trentaine de pays.
« J’ai été étonnée par l’intimité que le film créait avec les gens, signale Céline Sciamma.
« Les gens qui voient le film parlent beaucoup d’eux, de leur enfance. Mon objectif était évidemment de rester très proche et fidèle de l’expérience de l’enfance et j’ai été très surprise et heureuse de constater à quel point le public s’approprie ainsi le film. »