Le Journal de Quebec - Weekend
LE QUÉBEC DE JEAN-PIERRE FERLAND
Jean-Pierre Ferland compare le Québec d’aujourd’hui à « une jeune pousse qui n’a pas aoûté ». Autrement dit, un arbre vulnérable aux intempéries en raison d’une écorce qui ne s’est pas suffisamment endurcie.
Voilà une image empreinte de poésie pour une société qui en manque crûment, selon lui. « On vit dans un pays où on peut dire ce qu’on veut, mais on dit n’importe quoi. Ça manque parfois de raffinement. Entre la détermination et la grossièreté, il n’y a qu’un pas… »
En entrevue au Journal pour discuter de sa participation à la Fête nationale au parc Maisonneuve, Jean-Pierre Ferland pèse ses mots, conscient de l’importance que chacun d’eux revêt en cette période de crise. « Je veux exposer le fond de mon coeur ».
L’auteur-compositeur-interprète de 77 ans ressent une certaine tristesse en raison de l’incessant « bras de fer entre les étudiants et le gouvernement ».
« C’est dommage qu’on soit en chicane les uns contre les autres à l’approche du 24 juin, dit-il. On a frôlé la guerre civile. C’est très inquiétant. Les gens n’ont pas envie de crier : « Swing la baquaise dans l’fond d’la boîte à bois! » Ils ont envie de crier après les étudiants et le gouvernement. On n’a pas le coeur à la fête… Mais on va se forcer! »
« Au Québec, les gens ont du caractère. On paye pour », ironise-t-il.
INCOMPRÉHENSION
Jean-Pierre Ferland ne feint pas son chagrin. Loin de là. Dans sa voix, on perçoit un mélange d’incompréhension et d’impuissance. Le chanteur doute énormément.
L’heure est grave, affirme-t-il. Alors que plusieurs personnalités influentes du milieu culturel se réjouissent de voir la politique susciter un tel engouement auprès du public, JeanPierre Ferland se révèle moins tranché dans ses opinions. « On est au centre d’une bataille. Le gouvernement ne veut pas plier. Les étudiants non plus. D’un côté comme de l’autre, on refuse l’entente. »
« SE RÉJOUIR DE QUOI? »
À tous ceux qui se « réjouissent devant un tel mouvement, Jean-Pierre Ferland répond: « Se réjouir de quoi, au fait?Tout le monde tient son bout et refuse de bouger? Je me réjouirai quand la partie de bras de fer sera terminée. » Malgré son chagrin, Jean-Pierre Ferland ne perd pas espoir.