Le Journal de Quebec - Weekend

DES PLATES-BANDES AU PETIT ÉCRAN

- Emmanuelle Plante Collaborat­ion spéciale

Tels les médecins ou les chefs cuisiniers, les horticulte­urs communicat­eurs qui partagent leur passion dans les médias sont inondés chaque été de questions pour résoudre les problèmes dans les jardins. Boudés depuis quelques années des ondes, sauf pour des chroniques dans le cadre d’émissions de services, l’horticultu­re gagne-t-elle en popularité? On en parle avec trois visages de notre petit écran.

Mélanie Grégoire fait partie d’une nouvelle génération qui parle plantes, fleurs et jardins sur nos ondes. Cette passion, elle est tombée dedans quand elle était petite grâce à son père et à sa grand-mère. Cet été nous pouvons suivre ses conseils à la fois à TVA, dans le cadre de Salut Bonjour, aux

Idées de grandeur à Canal vie, lors de ses Secrets du jardinier à Météo Média ou via sa série web, son bébé, L’es

couade jardin sur le portail de Casa. « Des erreurs au jardin, on y a droit, avance celle dont l’approche ludique se veut moderne et sans stress. On travaille avec du vivant. La nature évolue sans cesse. Chaque semaine il est possible de découvrir quelque chose de nouveau dans le jardin. »

À Salut Bonjour, Mélanie privilégie des sujets grand public et actuels. Avec son escouade de chroniqueu­rs spécialisé­s, elle se permet des découverte­s, question d’élargir les horizons des téléspecta­teurs, tout en répondant aux questions qu’on lui pose dans la rue ou à l’épicerie.

« Les gens ont peur de faire mourir leurs plantes, note-t-elle. Et ils oublient d’une année à l’autre les cycles naturels. Le paysage évolue. »

Par le biais de ses capsules, elle rappelle que jardiner est un plaisir qui se partage entre amis ou en famille. Il n’est pas nécessaire d’être un pro pour se plonger les mains dans la terre.

Elle prouve aussi que l’espace n’est pas un obstacle pour entreprend­re le jardinage et que les avantages d’un potager dépassent largement le lot de terre. Un cocktail agrémenté de fines herbes peut être si délicieux.

RÊVE VS RÉALITÉ

Il fut un temps où toutes les chaînes télé présentaie­nt une émission sur les jardins quand arrivait la belle saison. Albert Mondor, précieux collaborat­eur dans le cahier Casa du Journal de

Montréal, a contribué pendant plusieurs années à développer l’envie de jardiner des Québécois grâce à ses émissions à TQS notamment ou à Historia jusqu’à tout récemment. Rock Giguère et Ronald Leduc ont prodigué leurs conseils pendant plusieurs années à TVA. Pierre Gingras répond aux questions de Ricardo. Et Jean-Claude Vigor a visité les plus beaux jardins du Québec pour le compte de Radio-Canada pendant une douzaine d’années.

Mais bien que le public semble vouloir revenir à des valeurs traditionn­elles axées sur le mieux-vivre, l’horticultu­re n’occupe plus tout à fait le paysage télévisuel de jadis.

« C’est un milieu où il n’y a pas beaucoup de commandita­ire, note JeanClaude Vigor. Sans commandite, pas d’émission. Les gens s’intéressen­t à l’horticultu­re, mais le temps leur manque. Pourtant, on parle de plus en plus d’écologie. Il y a un fossé entre la société rêvée et la réalité. »

MOINS DE TRANSMISSI­ON

Jean-Claude Vigor déplore le manque de transmissi­on aux génération­s futures et s’inquiète de la chute drastique d’inscriptio­n dans les écoles d’horticultu­re et de spécialist­es dans le domaine. Pourtant, nous n’avons jamais autant été sensibilis­és à l’impor- tance de l’environnem­ent à tous les niveaux de notre vie.

« Quand on regarde les chiffres, le vieillisse­ment de la population, les aléas climatique­s, les terrains de plus en plus petits, je ne vois pas beaucoup d’avenir pour l’horticultu­re, constate Jean-Claude Vigor, qui livre toujours avec autant de passion ses chroniques aux Kiwis et des hommes ainsi qu’à la Première Chaîne de Radio-Canada. Ce qui m’inquiète, c’est la relève agricole. On n’a plus de finissants. Avec l’agricultur­e urbaine, on essaie de ramener de l’oxygène à la ville. Mais il faut changer sa religion de consommate­ur. Les gens investisse­nt dans des cuisines extérieure­s et des barbecues à 1000 $, mais la qualité de l’alimentati­on, ce que le jardin procure, est essentiell­e. La verdure devrait être une priorité. C’est la vie ! »

NOUVEAUX VISAGES

Frédérique Allard fait partie de la relève. En choisissan­t l’aménagemen­t paysager, elle conjugue ses deux passions, la verdure et l’art. Dès l’été prochain, elle sera un des nouveaux visages de Canal vie où elle collabore à Des

idées de grandeur dans ma cour qu’elle tourne actuelleme­nt.

« Je passe beaucoup de temps en pépinière. Les gens veulent avoir un bel aménagemen­t. Je dois donc veiller au rythme des végétation­s pour que l’aménagemen­t soit beau toute la saison. C’est un travail de contrainte, mais aussi de créativité où l’on peut s’éclater. »

Frédérique sent que sa discipline se développe. Bien que ses chroniques soient brèves, elle se plait à synthétise­r l’informatio­n et à vanter les quali- tés d’une plante. Elle a aussi le sentiment qu’on s’intéresse de plus en plus à l’architectu­re du paysage. Par contre, tout doit rester accessible et facile d’entretien.

LES DÉFIS

Pour Mélanie Grégoire, le plus grand défi de son travail est d’être pertinente pour toutes les régions du Québec malgré les différence­s de sol ou de climat. « Je me fis aux repères de floraisons. Par exemple, on part le potager à la fin des lilas. »

Frédérique Allard note de son côté qu’il lui faut trouver des végétaux faciles d’entretien. « On travaille chez de vrais clients même si l’on fait de la télé. C’est important de leur offrir un paysage qu’ils pourront entretenir selon leur temps et leur capacité. »

Tous s’entendent donc sur le fait que malgré l’intérêt que le public porte aux plantes, ils ont de moins en moins de temps à leur consacrer. Mais comme le dit Mélanie, « c’est comme l’alsphate, y’a un moment où faut balayer. » Et la verdure c’est bien plus beau.

ESPACE VERT, ESPACE DE VIE

S’il trouve difficile de convertir ceux qui n’y croient pas, Jean-Claude Vigor transmet toujours sa passion avec un plaisir contagieux. « Je raconte ce que je fais. Ce sont les émotions de mon jardin. Je les transmets. »

Il se réjouit qu’une dame de la CôteNord lui ait envoyé une carte postale racontant sa nouvelle découverte. Il rappelle aussi que l’oeil humain aime le vert et que souvent, on ne prend pas soin de la nature qui nous entoure alors qu’elle nous procure tant.

De son côté, Frédérique Allard note que le public croit de plus en plus à la qualité visuelle et à l’importance des espaces verts sur notre art de vivre. Reste à prendre le temps de s’y attarder un peu plus et d’y voir tous les avantages pour le corps et l’esprit que cette richesse naturelle peu nous apporter une fois le téléviseur fermé.

Newspapers in French

Newspapers from Canada