Le Journal de Quebec - Weekend
Occasion en or pour le Canada
Il n’y a pas si longtemps, notre cinéma québécois criait victoire et on avait l’impression que la partie était gagnée à vie pour notre télévision ! Hélas ! dans le monde du show business, les choses déboulent vite et ne sont jamais assurées. Chaque artiste connaît le vieux dicton : « On n’est jamais meilleur que son dernier succès ! »Ce qui est vrai pour un artiste vaut aussi pour l’industrie.
Il y a sept ans, tiré par des locomotives comme C.R.A.Z.Y et Maurice Richard, le cinéma québécois recueillait 18,2 % du box-office. Du jamais vu ! Du jamais espéré non plus ! On se tapait dans les mains et on se congratulait, enfin notre cinéma était sorti du bois ! Depuis, on n’a jamais fait mieux que 10 % et cette année, c’est la catastrophe. De tous les films québécois à l’écran depuis janvier, c’est le documentaire de Paul Arcand, Dérapages, qui fait les plus grosses recettes. Pas encore un million, mais ça devrait y être d’ici à l’automne. Pour tous les autres longs métrages, même pour Laurence Anyways ou L’empire Bossé, c’est la misère noire. Voilà qui n’est pas encourageant pour Omerta qui est à l’affiche dans tout le Québec depuis mercredi.
À BOUT DE BRAS COMME LE CINÉMA
Pour l’instant, notre télé se porte plutôt bien, mais de méchants ennemis se profilent à l’horizon. Il y a déjà Apple TV puis Netflix, et Google TV est pour le mois prochain, sans parler des ventes de téléviseurs connectés, qui augmentent de façon significative. Protégée jusqu’ici par les règles de contenu du CRTC et jusqu’à un certain point par la langue française, notre télé devra graduellement gagner sa place à bout de bras, comme doit le faire notre cinéma depuis toujours.
Dans le milieu de la télé comme du cinéma, tous le disent : il faut coproduire et il faut exporter, sinon on crèvera à plus ou moins long terme. Mais c’est plus facile à dire qu’à faire. Surtout qu’on a tendance à se la couler plus douce quand on peut compter sur de généreuses aides financières, tant sous forme de subventions, de crédits d’impôt et d’investissements à des conditions des plus faciles.
À L’HONNEUR CET AUTOMNE
Cet automne, notre industrie – canadienne comme québécoise — aura l’occasion de tenter un grand coup, puisque le Canada sera le pays à l’honneur au MIP Junior et au MIPCOM, deux des plus grands marchés du genre au monde. Ces marchés ont fait beaucoup de chemin depuis leur création en 1964.
J’étais à Cannes au MIPTV en 1968. Nous n’étions même pas 200 participants pour cette quatrième édition où j’espérais vendre aux télévisions étrangères le pre- Cet automne, notre industrie aura l’occasion de tenter un grand coup, puisque le Canada sera le pays à l’honneur au MIP Junior et au MIPCOM, deux des plus grands marchés du genre au monde. mier long métrage de Gilles Carle produit dans le « privé », Le viol d’une jeune fille douce. Même si une trentaine de participants ont vu le film et que j’étais prêt à le laisser aller pour des « pinottes », je suis revenu bredouille au Canada. Personne n’a voulu risquer une cenne noire !
PLUS DE VENDEURS QUE D’ACHETEURS
Le marché n’est pas plus facile aujourd’hui. La concurrence est féroce, car plus de 12 000 sociétés et personnes participent au MIPCOM et il y a toujours plus de vendeurs que d’acheteurs. C’est la croix et la bannière pour attirer l’attention de ceux qui ont des sous.
Chaque année, le MIPCOM fait une fleur à une grande société ou à un pays particulier en en faisant l’invité d’honneur du marché. Du 6 au 11 octobre, suite aux démarches fructueuses de Téléfilm et du Fonds des médias, c’est le Canada qui sera la vedette du MIP Junior et du MIPCOM, du 6 au 11 octobre.
Une occasion qui tombe pile. Depuis quelques années, les anglophones produisent des séries dramatiques qui ont même réussi à percer le très difficile marché américain, nous produisons aussi des émissions pour enfants et des formats qui trouvent preneurs à l’étranger. Nos films, qui recueillent leur plein d’honneurs dans les festivals, doivent maintenant trouver leur plein de spectateurs, les nôtres comme ceux de l’étranger, si notre cinéma veut survivre.
Le MIPCOM pourrait marquer un tournant et ouvrir notre télévision et notre cinéma sur le monde.