Le Journal de Quebec - Weekend

LA MUSIQUE DU COEUR

- Isabelle Hontebeyri­e Agence QMI

Le deuil est un précipice, un trou béant, comme celui dans lequel les enquêteurs retrouvent, à la suite de la confession de Jean-Pierre (Luc Senay), les restes du petit Hugo, tué il y a 10 ans.

Face à cette douleur béante qui annihile tout sur son passage, Christophe (Sébastien Ricard, impression­nant), le père, a choisi de fuir sous le soleil du Mexique. Là, il traîne son indifféren­ce de son lit, où il n’est pas seul, à la plage, sur laquelle il se fond avec le roulis des vagues. À Montréal, Irène (Fanny Mallette, éblouissan­te), la mère, continue de mettre un pied devant l’autre. Elle «fake». Ce combat quotidien ne masque sa douleur et son étouffemen­t qu’aux yeux des autres, ses collègues d’une chorale.

La confession du tueur, du pédophile qui a ravi la vie d’Hugo, pousse Irène à demander à Christophe de revenir. Elle ne peut vivre cette chose sans lui. Coupée du monde, dans un «non-temps» pour reprendre le terme utilisé par le réalisateu­r François Delisle, le dialogue vrai avec sa mère (Geneviève Bujold, exceptionn­elle) est impossible. Elle est là – comme le père de Christophe, extrê- mement bien joué par Pierre Curzi – pour la pousser à la normalité, à une réaction socialemen­t acceptable, conforme aux attentes des autres qui ne veulent pas voir «cette tristesse qui fait peur». Se «reprendre», «revenir», «refaire sa vie» sont autant de termes qui n’ont aucun sens pour Irène et Christophe, figés dans ce manque viscéral d’avoir perdu leur enfant.

SUBTILITÉ

Si l’ex-couple a, en surface, des réactions totalement opposées, les dialogues en voix hors champ infirment cette impression. Christophe et Irène vivent la même chose, ressentent les mêmes émotions, se sont tous deux retirés du monde, sans pour autant être parvenus à alléger cette douleur innommable.

Le spectateur reste entièremen­t libre de son interpréta­tion de Chorus ainsi que l’a souhaité François Delisle. Avec ce long métrage, ce cinéaste d’exception livre, avec une subtilité grandiose, l’un des rares films qui explorent le deuil dans toute sa subtilité et sa réalité. Sans conteste un des meilleurs films québécois, soutenu par des acteurs dont les prestation­s illuminent l’écran, Chorus est inoubliabl­e.

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