Le Journal de Quebec - Weekend
Ce n’est jamais tout blanc ou tout noir
En lisant dans les pages d’opinions du Journal la réplique de Madame Nicole Tardif à ma chronique du 24 février intitulée «Que fait Télé-Québec dans cette galère?», j’ai appris que Télé-Québec est une chaîne «généraliste». Pourtant, quoi qu’en dise sa dir
Dans le strict vocabulaire du CRTC, c’est vrai que Télé-Québec n’est ni une chaîne généraliste ni une chaîne spécialisée. Il n’en reste pas moins qu’en bon français, une télévision qui a la spécificité de présenter des programmes de nature éducative ou culturelle a forcément une spécialité. Si je décris Télé-Québec comme une chaîne «spécialisée», c’est que c’est plus court et moins fastidieux que d’en parler comme une «chaîne à vocation éducative et culturelle».
PLUSIEURS NUANCES DE GRIS
Cela dit, c’est facile de prétendre que tout est éducatif et que tout est culturel. Dans ces deux domaines, ce n’est jamais blanc ou noir, car il y a plusieurs nuances de gris. Il se trouvera toujours quelqu’un, par exemple, pour prétendre que les mots croisés et le sudoku sont éducatifs et que la poutine, le hockey et la danse en ligne sont culturels.
C’est dans cette acception extra large de la culture, je suppose, que Madame Tardif écrit qu’Une histoire vraie «sort les téléspectateurs de leur zone de confort de manière intelligente en les poussant à remettre en question les informations qui leur sont présentées».
Je vais la laisser à ses illusions, mais remettre en question une information qu’elle nous livre dans sa réplique. Elle écrit d’Une
histoire vraie qu’il s’agit «d’une forme artistique connue et populaire en Europe». Je lui donne le bénéfice du doute, même si je n’ai jamais entendu parler de ce concept dans les pays européens que je connais. Je veux bien la croire même si en mai dernier, Louis Morissette, le producteur de ces faux documentaires, a déclaré, fier comme un paon, que «c’est quelque chose de nouveau dans le paysage… qu’il n’y a pas de parallèle présentement à la télé.»
QUI DIT VRAI?
Qui dit vrai? Elle ou lui? C’est définitif, je n’écrirai plus rien au sujet d’Une histoire
vraie, car je ne voudrais pas que la mauvaise opinion que j’ai de la série finisse par faire oublier tout le bien que je pense de Télé-Québec. Une chaîne, je le répète, qui s’acquitte mieux de son mandat et de ses conditions de licence que toute autre.
BLACKFACE ET WHITEFACE
Au mois de décembre dernier, plusieurs quotidiens anglophones, en particulier The
Gazette et The Globe and Mail, ont vilipendé le Théâtre du Rideau Vert et, par ricochet, la plupart des Québécois pour une histoire de «blackface». Ni la direction du théâtre ni la plupart des Québécois n’avaient trouvé répréhensible que pour un sketch de moins d’une minute Marc St-Martin, un comédien blanc, personnifie P.K. Subban en se grimant le visage de noir.
L’organisme Diversité artistique de Montréal avait jeté les hauts cris comme quelques théâtres anglophones de Montréal. Outrée de ces protestations qu’elle jugeait aussi outrancières que moi, Denise Filiatrault, la directrice artistique du Rideau Vert, avait pété les plombs. Un peu malhabilement soit! Mais Denise est une passionnée qui dégaine souvent plus vite que son ombre.
THE WILD PARTY
Après ce branle-bas au sujet du spectacle 2014 Revue et corrigée, voici que vient d’ouvrir à Toronto la comédie musicale
The Wild Party, mise en scène par Robert McQueen. McQueen n’est pas le dernier venu. Il a dirigé des spectacles sur Broadway, à Stratford et dans plusieurs grandes capitales. En 2007, il avait mis en scène La
Flûte enchantée de Mozart à l’opéra de Vancouver. Sa production avait fait appel à des artistes et des artisans de 16 tribus différentes des Premières nations.
À Toronto, les vedettes de la revue musicale The Wild Party sont Daren Herbert et Cara Rickett, deux comédiens noirs. Sur scène, pour accentuer ses traits, Herbert se grime de noir et accentue l’épaisseur de ses lèvres. Cara, qui joue le personnage de Queenie, créé à Broadway par l’actrice australienne Toni Collette, se grime de poudre blanche pour faire oublier qu’elle est de couleur.
Dans The Book of Negroes, la remarquable minisérie que vient de diffuser la CBC, Cara Rickett se grimait en noir, trouvant son teint trop «pâle» pour jouer le personnage de Bertilda. Jusqu’à maintenant, je n’ai entendu aucun tollé du côté des anglophones et je n’ai lu aucun article désobligeant dans les quotidiens de langue anglaise.
Selon que vous êtes puissant ou misérable, écrivait Jean de la Fontaine, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. Comme le font souvent les anglophones pour les Québécois francophones!