Le Journal de Quebec - Weekend
MAGNIFIQUES DÉTRITUS EN ANTARCTIQUE
1 Peut-on imaginer que dans l’Antarctique, le continent le plus blanc de la Terre, là où l’air est le plus pur du monde, l’homme, animal peu raisonnable, a oublié de rapporter chez lui les bâtiments, citernes et autres carcasses, qu’il a tout bonnement laissés sur place. On comprend mal pourquoi la communauté internationale n’oblige pas ceux qui ont sali la nature de ces coins perdus à nettoyer les lieux…
Paradoxe: bizarrement, ces bidons d’essence rouillés, ces déchets humains attirent les touristes. Il y a quelques semaines, dans cette chronique, je vous parlais du cimetière des trains, en Bolivie, avec ses carcasses de wagons rouillés, abandonnés depuis les années 1930… Une destination touristique fort prisée! Sommes-nous nostalgiques à ce point pour vouloir nous retremper dans ces vestiges?
Quelque chose en nous fait que nous préférons souvent la magie des ruines, des villages fantômes, des carlingues rouillées d’avions laissés sur place aux reconstitutions ou aux restaurations. En fait, en règle générale, on peut dire qu’un village fantôme est beaucoup plus intéressant à visiter qu’un village habité! Un peu comme une épave dans la mer attire non seulement les poissons et le corail, mais aussi les plongeurs, les détritus qui hantent les lieux déserts de l’Arctique ou de l’Antarctique sont tous… des attractions touristiques!
Ailleurs, le décor est magnifique, mais il n’y a rien; en revanche, quand il y a une ruine pour contraster avec le paysage, c’est beau. Avis aux amateurs de photos! Vous me direz que j’ai commencé ma chronique en dénonçant la pollution et que je la finis en faisant l’éloge de la poésie des ruines… Oui, c’est un peu vrai. Les vestiges humains délabrés nous rappellent notre fragilité.