Le Journal de Quebec - Weekend

Des confidence­s bouleversa­ntes

- Marie-France Bornais Le Journal de Québec Clodine Desrochers a animé Tout simplement Clodine de 1999 à 2011. Elle anime aujourd’hui Quelle his toire! à la télévision de Radio-Canada.

L’animatrice Clodine Desrochers dévoile son talent de conteuse et une très belle plume dans son tout premier livre, Au nom de l’amour – À ces femmes avant

moi. Elle invite les lecteurs à découvrir le Québec rural des années 50 en racontant l’histoire de sa mère et celles d’autres femmes de sa famille, dont les confidence­s l’ont bouleversé­e.

Bien des Québécois de la génération des baby-boomers vont se reconnaîtr­e dans les histoires de Marie-Laure, Thérèse, Jeanne, Diane et Liliane. Ces femmes, comme de nombreuses autres, ont connu l’époque cruelle de la Grande Noirceur, les hommes perdus, le manque d’amour, la mainmise de l’Église, la frustratio­n d’être asservies et de ne pouvoir choisir ni leur destin ni leur maternité.

RÉCIT FASCINANT

Le récit fascinant raconté par Clodine — le portrait social d’une époque importante — vient du coeur. «J’ai écrit l’histoire de ma famille, je ne peux pas la transforme­r», commente-t-elle en entrevue. «C’était un rêve que j’avais de pouvoir rendre hommage à ma mère et coucher sur papier ce qu’elle a vécu. On peut avoir l’impression que c’est vieillot ou poussiéreu­x, mais on est encore tellement reliés à notre histoire, ce n’est pas si loin. On a fait un grand pas en avant.»

L’idée d’écrire lui trottait dans la tête depuis longtemps. «Quand j’écoutais ma mère me raconter des histoires de son enfance, des anecdotes un peu drôles, j’aimais ça. Mais quand ma soeur et moi on se chicanait et qu’on se criait après, enfants, j’ai vu ma mère s’effondrer sur le divan du salon et se mettre à pleurer parce qu’elle n’était pas capable de nous entendre crier. Elle nous disait qu’elle avait tellement entendu crier quand elle était petite que c’était quelque chose qu’elle ne pouvait pas supporter.»

Plus tard, Clodine a posé des questions à sa mère. «Elle a senti que j’étais prête à entendre certaines choses. Et là, j’ai su que mon grand-père était alcoolique, que ma grand-mère n’était pas très maternelle. La petite fille malheureus­e, qui bégaie, je voulais lui donner vie et raconter ce que ma mère et sa famille ont vécu. J’avais ça en moi et, finalement, j’ai eu le temps de le faire.»

PAS DE LIBERTÉ

Pour comprendre l’attitude de sa grand-mère, il a fallu qu’elle plonge dans l’histoire de son arrière-grandmère. «Elle a eu un enfant hors mariage. J’ai fait des recherches et, ce qui m’a sauté aux yeux, c’est que les femmes de l’époque avaient tellement peu de choix devant elles... Cette liberté qu’on a aujourd’hui, ces femmes ne l’avaient pas.»

«Si elle avait pu, elle aurait été chanteuse. Ses idoles, c’étaient Murielle Millard et Alys Robi. C’est ce qu’elle aurait voulu faire. Pas avoir 10 enfants et un mari tellement plus vieux qu’elle et alcoolique. Son destin triste, malheureux, frustré a fait en sorte qu’elle s’en est prise à ses enfants.»

Sur le plan émotif, le travail a été prenant. Elle a appris, par exemple, que son arrière-grand-mère avait été abandonnée par son mari avec ses sept enfants. C’était la première femme séparée du village et le curé lui en voulait. C’était une femme intelligen­te, qui avait un grand coeur, qui aimait Dieu, mais qui sacrait. J’aurais tellement aimé la rencontrer...»

Jouer dans ses racines profondes, raconter l’histoire de ses aïeux lui a apporté beaucoup. «Je suppose que c’est ça, avec les indices que j’ai, parce qu’ils sont décédés depuis longtemps. J’ai l’impression d’être sur la bonne piste — ça a été épuisant, mais ô combien enrichissa­nt.»

Clodine Desrochers Au nom de l’amour — À ces femmes avant moi Les Éditions La Semaine 254 pages

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