Le Journal de Quebec - Weekend
MAGNIFIQUE ET MENAÇANT
En l’an 2000, je perdais le Nord, littéralement, pour aller plein Sud… jusqu’en Antarctique. Pour faire exotique, mon bateau, petit (100 passagers) et vétuste, est aux mains d’un équipage russe, et les vagues du détroit de Drake nous secouent comme une coquille. Impossible de ne pas penser aux marins intrépides qui ont péri par ici… Je n’avais jamais pensé mourir dans un naufrage, mais, pendant cette traversée, ça m’a souvent effleuré l’esprit.
Il faut dire que l’équipage russe, adepte de la vodka, nous a fait jouer du Céline Dion… comme pour rappeler le sort du Titanic.
Puis sans transition, c’est le calme plat. Le paysage est grandiose, majestueux et, pour tout vous dire, terrifiant. «Gare à vous si vous tombez en panne», nous prévient cette nature inhospitalière.
Le bateau glisse entre les banquises qui grossissent de plus en plus en approchant la côte. Je salue les manchots tout en frôlant une gigantesque falaise de lave noire. Des oiseaux Pétrel de l’Antarctique survolent notre navire comme les éclaireurs d’u- ne armée qui nous attend au détour.
À bord d’un Zodiac, nous abordons les enneigés pour visiter une station scientifique tenue par deux Britanniques… à l’intérieur de laquelle il y a un bureau de poste. Comme tout bon visiteur, je décide de m’auto-poster une carte, pour le magnifique timbre, qui transitera par Londres et mettra trois mois à parvenir à Montréal.
Ces scientifiques qui nous reçoivent répondent patiemment à nos questions qu’ils se font probablement poser systématiquement : que font-ils quand le mercure descend en hiver à -60? L’épaisseur des glaces. Les déplacements des familles de manchots. Etc.
COULEURS
Je suis frappé par les couleurs du paysage: il y a du rose, du mauve et du blanc. Devant un tel tableau, il est impératif de s’arrêter pour rendre hommage à la création.
En 2012, je suis retourné en Antarctique à bord d’un monstre des mers, dans un confort bourgeois, sans brassage excessif, et sans même pouvoir descendre du bateau…