Le Journal de Quebec - Weekend

Surmonter un deuil interminab­le

- Marie-France Bornais

Presque 30 ans après le décès de Félix Leclerc, sa fille Nathalie prend la plume et raconte, pour la première fois, ses souvenirs d’enfance, les moments forts de sa vie et le deuil d’un père adoré et parti trop vite dans un premier récit tendre, sensible et très émouvant: La voix de mon père.

Même si elle écrit depuis toujours, Nathalie Leclerc, maintenant directrice générale de l’Espace Félix-Leclerc à l’île d’Orléans, a mis beaucoup de temps — presque 30 ans — avant de se décider à publier son récit.

«J’ai toujours voulu écrire. C’est un grand moment dans ma vie, cette sortie de livre. Écrire a toujours fait partie de moi. J’ai grandi avec un père qui écrivait. Oui, c’était un chanteur, il faisait des tournées, mais c’était avant tout un écrivain, dans son bureau, installé le matin à écrire. C’était un homme qui écrivait. Il passait ses après-midi dehors, l’été, comme ça, à regarder...», partage-t-elle en entrevue.

Vers sept ou huit ans, Nathalie Leclerc s’est elle aussi mise à s’asseoir et à contempler les nuages. «Dès que j’ai commencé à savoir lire et écrire, j’ai commencé à écrire des petites histoires. Ça faisait vraiment partie de ma vie. J’en parle d’ailleurs dans le livre, de cette progressio­n de l’écrivaine en moi: je n’ai jamais été aussi heureuse de ma vie parce que maintenant, j’écris!»

Quand elle était plus jeune, elle se répétait qu’un jour, elle allait écrire. «Puis la vie passe, j’ai créé l’espace Félix-Leclerc, j’ai eu trois grossesses. Et un matin, à 43 ans, je me suis réveillée et je me suis dit: ça va faire.» Elle a sorti ses petits carnets, ses feuilles de notes, et s’est mise au travail.

ÊTRE « LA FILLE DE... »

Il lui a fallu surmonter un blocage remontant à ses années d’école primaire. Elle le raconte dans son récit: une religieuse méprisante, soeur Gabrielle, lui avait lancé une de ses compositio­ns à la figure, devant toute la classe, en prétextant que c’était un plagiat. Elle croyait que le texte ne venait pas de Nathalie, mais de son père.

«Je l’ai encore sur le coeur. Je me souviens encore d’elle... c’est abominable. Je voulais expliquer que c’est bien beau être «la fille de Félix», mais il y a l’autre côté de la médaille aussi. Tous les «enfants de» diront ça aussi. On m’a demandé souvent d’écrire sur mon père, mais je disais non, parce que je voulais être à la hauteur.» Ce qu’elle raconte dans La voix de mon

père est touchant, parfois drôle, parfois très triste, souvent étonnant. Revivre son enfance, son adolescenc­e, sa vie d’adulte a fait remonter de grandes émotions. Elle raconte aussi comment l’écriture l’a aidée à se consoler du deuil de son père, une épreuve qui l’a durement marquée. «J’ai été chercher profondéme­nt en moi. Parfois, j’avais des flashes. Je l’écrivais. Je mettais cela de côté. J’ai fait ça pendant 10 ans... et j’envoyais ça dans l’univers.»

ENCORE DES MANQUES

Des souvenirs heureux de son père, elle en a à la tonne.

«On avait une super-belle relation tous les deux et c’était un maudit bon père. C’était ce qu’il y a de plus beau au monde. Il a fallu que je fasse trois enfants pour combler le manque d’amour inconditio­nnel que je recevais de lui... avant d’être capable de vivre normalemen­t et de passer à travers cette peine. Aujourd’hui, j’ai encore des manques de lui, mais je ne pleure plus.»

Le livre sera en librairie le 19 octobre.

Nathalie Leclerc est née en 1968 à Boulogne-Billancour­t, en banlieue de Paris. Elle a vécu quelques années en Suisse avant de s’installer à l’île d’Orléans avec sa famille.

Elle s’occupe du patrimoine de son père à l’Espace Félix-Leclerc.

Nathalie Leclerc La voix de mon père Éditions Leméac 160 pages

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