Le Journal de Quebec - Weekend

LES DERNIERS CAJUNS

- Gilles Proulx

Lorsque j’ai visité Saint-Martinvill­e, en Louisiane, en septembre dernier, j’étais, pour la première fois de ma vie, dans un autobus avec d’autres voyageurs québécois, dont le tiers au moins se réclamaien­t d’origine acadienne. Pour eux, les Cajuns semblaient être de lointains cousins américains.

À mon grand étonnement, on s’arrête dans une usine de Tabasco, la sauce piquante. Imaginez-vous que c’est un des plus grands employeurs de Cajuns en Louisiane! Le prestige de cette marque est tel que même la reine d’Angleterre a permis d’afficher ses armoiries en tant que cliente. C’est depuis 1868 que la marque Tabasco est produite en Louisiane et sa petite bouteille caractéris­tique s’explique par le fait que, pour économiser de l’argent, ladite sauce piquante était à l’origine vendue dans des bouteilles d’eau de Cologne vides!

Dans les alentours, il y a le village reconstitu­é de Vermillonv­ille, qui fait revivre le passé créole et cajun de 1765 – au lendemain du «grand dérangemen­t» que fut la déportatio­n – à 1890. C’est un peu comme le Village d’Antan de Drummondvi­lle version cajun.

Tout près de Bâton Rouge, on s’arrête chez Pont Braux’s pour participer à un souper dansant avec de la musique et des plats authentiqu­ement cajuns.

L’écrevisse est à l’honneur. L’établissem­ent est tellement populaire qu’on est fier d’exhiber les noms des vedettes qui s’y sont arrêtées: Robert Duval, Arman Assante, Johnny Cash, Angelina Jolie, Yves Duteil, etc.

C’est pendant le mois d’août, à l’occasion du festival de l’écrevisse, que l’endroit est le plus survolté. Le chef des musiciens nous invite, dans un français difficile à saisir, à danser… Seul un couple âgé danse un slow. Je n’ai pu que m’attrister d’assister à cette scène qui augure la mort d’une culture, même si cet endroit en est un de divertisse­ment.

 ??  ?? Ce violoneux cajun a peut-être besoin d’une marchette pour avancer, mais il ne ménage pas son instrument quand vient le moment de jouer le rigodon. Si les chaises sont vides ce soir-là, m’explique-t-on, c’est parce que les Saints de La...
Ce violoneux cajun a peut-être besoin d’une marchette pour avancer, mais il ne ménage pas son instrument quand vient le moment de jouer le rigodon. Si les chaises sont vides ce soir-là, m’explique-t-on, c’est parce que les Saints de La...
 ??  ?? Une scène qui en dit long... La culture cajun se fait vieillissa­nte.
Une scène qui en dit long... La culture cajun se fait vieillissa­nte.
 ??  ?? Non, ce ne sont pas des barils d’alcool du capitaine Haddock, mais plutôt des millions de litres de sauce piquante Tabasco qui se rendront aux quatre coins du monde.
Non, ce ne sont pas des barils d’alcool du capitaine Haddock, mais plutôt des millions de litres de sauce piquante Tabasco qui se rendront aux quatre coins du monde.

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