Le Journal de Quebec - Weekend
Une femme EN MILLE MORCEAUX
Comment raconter Nelly Arcan au grand écran? En scénarisant et en réalisant ce long métrage biographique sans suivre la forme chronologique habituelle, Anne Émond ( Les être chers) prend un risque.
Nelly Film de Anne Émond. Avec Mylène Mackay, Rémi-Pierre Paquin et Sylvie Drapeau
Car l’auteure Nelly Arcan, de son vrai nom Isabelle Fortier, qui s’est suicidée à l’âge de 36 ans en 2009, a marqué les esprits avec ses romans Putain et Folle. En décidant de faire de Nelly une autofiction, comme les deux premiers romans de l’écrivaine québécoise, Anne Émond épouse d’entrée de jeu les complexités de son personnage joué de manière peut-être un peu trop maîtrisée par Mylène Mackay ( Embrasse-moi comme tu m’aimes).
Tour à tour, c’est l’amoureuse, la putain, la star puis l’écrivaine qui prennent vie devant la caméra de la cinéaste, Anne Émond tentant de démêler l’écheveau de chaque facette de la personnalité de Nelly. Elle essaye ainsi d’expliquer pourquoi la jeune femme était incapable d’être heureuse, pourquoi elle a choisi la prostitution, pourquoi elle s’est enfermée dans ces multiples apparences sans jamais se montrer telle qu’elle était. La réponse donnée ne satisfait pas. Impossible de résumer Nelly Arcan à un simple «c’est parce que, dans son enfance…».
BROUILLER LES CARTES
On est, par contre, intéressé par la forme choisie par la cinéaste, par ce jeu de miroirs qui suggère des éléments de la psyché de l’auteure. Les voix-off – se voulant des espèces de confessions – servent à guider la réflexion du public et, parfois, atténuent la brutalité et arrondissent les angles de certaines scènes crues.
Que Nelly soit avec son ami en train de consommer de la drogue, de séduire un homme célèbre, de satisfaire un client, de se jeter sur son psy ou d’écrire, on ne sait jamais s’il s’agit d’une fiction, d’une autofiction ou d’une biographie.
En brouillant ainsi les cartes, en choisissant une actrice apte à ne rien laisser transparaître de ses sentiments (en délaissant d’ailleurs aussi la ressemblance physique), la réalisatrice et scénariste pare Nelly Arcan d’un mystère un peu sulfureux et s’assure ainsi de la faire entrer dans la légende. Peut-être au mépris d’une certaine vérité.