Le Journal de Quebec - Weekend

RACINES A 40 ANS

Du 23 au 30 janvier 1977, le réseau ABC diffuse la minisérie Racines en huit épisodes. Les cotes d’écoute dépassent toutes les attentes, l’adaptation de l’ouvrage d’Alex Haley rassemblan­t des dizaines de millions de téléspecta­teurs par épisode. Avec cette

- Isabelle Hontebeyri­e

«Les patrons d’ABC savaient qu’ils tenaient une bonne émission, mais ils ignoraient complèteme­nt comment les Américains réagiraien­t à l’histoire de l’esclavage aux États-Unis, racontée du point de vue des esclaves, des Africains. Alors, ils ont décidé de la diffuser en rafale, en soirées consécutiv­es, afin d’éviter de s’appesantir sur le sujet si c’était un échec. Mais le dernier épisode de Racines est toujours, aujourd’hui, l’un des épisodes les plus regardés dans l’histoire de la télévision», a expliqué LeVar Burton, le jeune inconnu qui incarnait Kunta Kinte, l’ancêtre d’Alex Haley, capturé en Gambie en 1767 et amené au Maryland par des négriers.

UN DÉBUT DE CONVERSATI­ON…

Racines suit les descendant­s de Kunta Kinte jusqu’au début du 20e siècle et met en vedette tout ce qu’Hollywood compte d’acteurs noirs à l’époque, Maya Angelou et O.J. Simpson y faisant même une apparition! Par ailleurs, les réalisateu­rs et producteur­s ont une idée originale pour la distributi­on des rôles des propriétai­res d’esclaves blancs, brutaux et peu sympathiqu­es. Ils décident de les donner aux acteurs qui, à la télévision à l’époque, incarnent des personnage­s sympathiqu­es.

«C’est l’une des idées de génie de David Wolper [NDLR: l’un des producteur­s de la série] que d’avoir choisi tous les acteurs blancs qui jouaient de bons pères de famille au petit écran. Ed Asner, Chuck Connors, Lorne Greene, Robert Reed, Lloyd Bridges, etc. étaient tous des méchants dans

Racines, c’était tout simplement une idée brillante», a souligné LeVar Burton – connu des amateurs de Star Trek pour son rôle de Geordi LaForge dans La nouvelle

génération – dans les colonnes du site Mother Jones.

Pour l’acteur, au-delà du phénomène social à l’époque, la série a été l’occasion d’entamer un dialogue. «Les Noirs américains en savaient plus sur l’esclavage que les blancs jusqu’à la diffusion de Racines. C’est d’ailleurs devenu un outil éducatif pour tous. Racines est, aujourd’hui, l’une des ressources télévisuel­les les plus utilisées dans les écoles pour enseigner cette période de l’histoire américaine. La série a servi d’outil puissant d’informatio­n et d’éducation sur la réalité de cette époque.»

UNE NOUVELLE GÉNÉRATION

Ce n’est pas un hasard si, l’an dernier, LeVar Burton a coproduit une nouvelle version de Racines diffusée sur les ondes de History. «Il est absolument clair que les États-Unis d’aujourd’hui sont directemen­t reliés aux États-Unis du Sud Antebellum et à la traite des Noirs. Beaucoup des problémati­ques vécues aujourd’hui tirent leurs origines dans l’esclavage et dans cet héritage.»

Et si, aujourd’hui, Racines – qu’il s’agisse de la série originale, produite avec un budget de 6,6 millions $ et récipienda­ire de neuf prix Primetime Emmy et d’un Golden Globe ou de la nouvelle version – résonne encore aussi profondéme­nt dans l’esprit américain, c’est que, pour LeVar Burton, «les blessures sont profondes. L’injustice pure de l’esclavage est suffisante pour générer la colère, mais c’est le fait que cela ait été fait à son propre peuple, à ses propres ancêtres, qui est dérangeant.»

RÉALITÉ OU FICTION ?

Avant l’adaptation télévisuel­le, Racines est un ouvrage de l’auteur Alex Haley, présenté à l’époque comme l’histoire quelque peu romancée de sa propre famille.

Après le succès en librairie – Racines a passé 22 semaines en première place des meilleures ventes du palmarès du New York

Times en 1976 –, Alex Haley a été accusé de plagiat par deux auteurs. L’un d’entre eux, Harold Courlander, auteur de The African, a obtenu réparation hors cour, Haley lui versant 650 000 $ de dommages.

Par ailleurs, des questions se sont rapidement posées sur l’authentici­té historique de l’ouvrage, l’auteur affirmant avoir été capable de remonter son arbre généalogiq­ue au travers de recherches méticuleus­es. Mais les historiens sont d’accord: bon nombre des événements racontés sont inexacts et les archives trouvées par Haley se contredise­nt bien souvent. Quelques années plus tard, l’auteur a admis qu’il aurait dû présenter Racines comme un roman historique, et non comme le fruit de recherches rigoureuse­s.

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LeVar Burton, le jeune inconnu qui incarnait Kunta Kinte.
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LeVar Burton a coproduit une nouvelle version de Racines pour Historia l’an dernier.
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