Le Journal de Quebec - Weekend
LE SÉNÉGAL DE SENGHOR
J’ai beaucoup voyagé, mais il y a seulement deux pays où j’ai pris un appartement: la France et le Sénégal. Au Sénégal, je donnais des cours de journalisme radiophonique.
À l’occasion de ma première visite, j’ai pu rencontrer l’ancien président très francophile Léopold Senghor, poète à ses heures, qui venait d’être admis à l’Académie française, dont il devenait le premier Noir à revêtir l’habit vert des Immortels.
Il m’a reçu dans sa demeure, une immense maison près de la mer, de style mauresque, où j’ai pu m’entretenir avec lui du sort du Québec, une question qui l’intéressait beaucoup.
J’ai eu beau essayer de convaincre M. Senghor que l’indépendance du Québec s’imposait, je ne suis jamais parvenu à faire flancher ce diplomate de haut vol qui semblait ne s’émouvoir de rien. Lui, le gaulliste, ne voulait pas du tout que «vive le Québec libre». Il jugeait admirable la Loi 101, et par ailleurs, il m’a demandé de lui faire parvenir un exemplaire du texte de loi élaboré par Camille Laurin, ce que j’ai fait.
En même temps, il aimait le bilinguisme à la canadienne, façon Pierre Elliott Trudeau… Je lui faisais remarquer que Trudeau détestait la Loi 101. Mais Senghor rétorquait que la «souveraineté culturelle» à la Robert Bourassa lui semblait capable d’imposer le respect à Ottawa…
Fier de son pays, Senghor me recommande de visiter l’île de Gorée, là où les gigantesques canons ont déjà été braqués vers la flotte des forces franco-anglaises de Churchill et de Gaulle. C’est aussi dans cette île que l’on nous sensibilise aux réalités de l’esclavagisme, puisque c’est de là que partaient des «cargaisons humaines» à destination des Amériques. Bien sûr, les guides évitaient de préciser que ce sont leurs propres ancêtres qui allaient dans le pays capturer des indigènes pour les revendre…
Je ne peux pas dire que Dakar m’a charmé. Non loin de là, il y a un lac rose, le lac Reitba, magnifique. Dans l’ancienne capitale SaintLouis, on retrouve la trace des pilotes aéropostaux comme Saint-Exupéry ou Mermoz, juste à côté de la frontière avec la très sablonneuse Mauritanie.