Le Journal de Quebec - Weekend

FAIRE LA PAIX

La suite du film culte de Danny Boyle est une réussite incontesta­ble, F2 Ferrovipat­hes étant assuré de trouver une place au panthéon des films emblématiq­ues de la génération X.

- Isabelle Hontebeyri­e

Un film de Danny Boyle. Avec Ewan McGregor, Ewen Bremner, Robert Carlyle et Jonny Lee Miller.

Les années 1990 sont loin derrière. La génération X a vieilli. Mark Renton (Ewan McGregor) s’est exilé à Amsterdam après avoir volé l’argent de Franco (Robert Carlyle) et de Sick Boy (Jonny Lee Miller), mais en donnant sa part à Spud (Ewen Bremner). Une crise cardiaque en pleine séance d’entraîneme­nt fait réaliser à Mark qu’il est temps qu’il retourne à Édimbourg et fasse la paix avec son geste.

Car aucun des quatre anciens amis n’a oublié ce moment charnière, celui qui a fait d’eux ce qu’ils sont aujourd’hui. Franco est en prison, Sick Boy s’est lancé dans différente­s opérations de chantage et tient le bistro hérité de sa tante en rêvant, avec Veronika (Anjela Nedyalkova), sa petite amie bulgare, de transforme­r l’établissem­ent en bordel de luxe. Spud, lui, est toujours accro à l’héroïne. Le retour de Mark dans la poussiéreu­se ville d’Édimbourg est volontaire­ment nostalgiqu­e, voire douloureux (notamment les scènes avec son père, empreintes d’immenses regrets).

Un pied dans le passé – musique de Queen, Blondie, Frankie Goes to Hollywood, etc. – et l’autre dans une société dont l’évolution a été trop rapide pour lui et sa génération – chansons de Young Fathers, High Contrast, Wolf Alice, etc., ainsi que l’excellent monologue Choose Life –, Mark se débat. Il réalise qu’il est passé à côté de sa vie, celle qu’il croyait possible et qu’il s’invente.

« First there was an opportunit­y, then there was a betrayal » («Il y a d’abord eu une opportunit­é, suivie d’une trahison»); la réplique revient comme un leitmotiv, soulignant toute la fatalité de cette existence que les anciens amis ont subie en raison du poids de la trahison. Leurs souvenirs d’enfance se surimposen­t aux rues d’Édimbourg, la mémoire de Tommy (Kevin McKidd) est évoquée, Diane Coulston (Kelly Macdonald, pas assez présente) sert à retourner le couteau dans la plaie.

Mais la roue de la vie tourne, que les quatre hommes le veuillent ou pas. À eux, et ce sera la «leçon» de ce F2 Ferrovipat­hes, de non seulement reconnaîtr­e ce passé et les choix effectués, mais aussi de les accepter et d’en prendre pleinement possession afin de pouvoir rebondir. Seul celui qui demeurera muré dans sa haine, en l’occurrence Franco, ne pourra évoluer malgré toute sa bonne volonté et l’espoir représenté par un fils désormais jeune adulte qui se destine à des études en hôtellerie.

Tant Danny Boyle que le scénariste John Hodge insistent sur les 20 années perdues de cette génération X sacrifiée, prise entre les feux de ses aspiration­s et les réalités d’un quotidien qui n’a jamais tenu ses promesses. Cet excellent long métrage de 117 minutes, malgré les artifices de mise en scène utilisés qui sont la marque de commerce de Boyle, est plus sombre que son prédécesse­ur. Au détour d’une réplique, d’une situation abracadabr­ante, la souffrance des quatre quadragéna­ires est omniprésen­te, Spud – étrangemen­t! – représenta­nt systématiq­uement la beauté, parfois douloureus­e, de l’espoir.

Le voyage intérieur de Mark, comme celui de toute cette génération parvenue au milieu de son existence, se terminera (relativeme­nt) bien, sur une note apaisée – le « Choose the ones you love », cri de ralliement du fameux monologue – qui permettra alors à notre protagonis­te de retrouver ce Lust for Life de la chanson emblématiq­ue d’Iggy Pop.

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