Le Journal de Quebec - Weekend

SUPRAMONTE, LA MÉDITERRAN­ÉENNE SAUVAGE

SUPRAMONTE, Italie | Un fin liseré bleuté s’élève au-dessus de l’horizon et la silhouette découpée des crêtes environnan­tes se distingue très nettement sur un ciel parfaiteme­nt dégagé. La clarté de l’aube ne laisse aucun doute. La journée se déroulera sou

- Benjamin Dy Collaborat­ion spéciale

Après avoir passé la nuit en camping sauvage, je commence, dans le faisceau de la lampe frontale, ma descente matinale vers le littoral grâce à un petit sentier escarpé qui parcourt la garrigue. Avril est sans aucun doute une merveilleu­se période pour explorer cette région qui connaît une affluence très importante au cours de l’été. Quaranteci­nq minutes plus tard, après être passé des sommets calcaires aux forêts de chênes verts multisécul­aires, je débouche sur une petite baie encastrée entre les falaises qui rougeoient dans les premiers rayons solaires. L’endroit est magnifique et du haut de la falaise où je me trouve, je peux très nettement apercevoir un thon de plus d’un mètre passer dans la colon- ne d’eau translucid­e et bleutée de la Méditerran­ée. Même par 20 mètres de profondeur, le fond marin, dans des conditions de telle transparen­ce, est parfaiteme­nt visible. Impression­nant! Autour de moi, les falaises disparaiss­ent dans un miroir marin, comme par enchanteme­nt. Le calme et la beauté des lieux sont déconcerta­nts. Pas étonnant que le golfe d’Orosei, qui n’est que la partie est du Supramonte qui s’écroule dans la Méditerran­ée, soit classé au patrimoine mondial de l’UNESCO pour sa beauté et son caractère naturel unique. Le calme est divin et je bénis l’idée d’être venu à une période si peu avancée dans l’année. Un tel endroit aussi désert est en effet très improbable au cours de la période estivale et la chaleur dans cette vallée doit y être insupporta­ble dès 8 heures du matin. Passant du niveau zéro de la mer, les sommets acérés des alentours s’élèvent rapidement à des hauteurs comprises entre 900 m et 1463 m d’altitude.

LA VIE QUI REPREND

Arpenter ces coteaux dans le sous bois des forêts de chênes verts, dont le feuillage vert dense contraste puissammen­t avec la blancheur des roches calcaires environnan­tes, s’apparente à s’enfoncer dans un havre de paix au sein de la douceur printanièr­e. En avril, la végétation est à son apogée de floraison et de couleurs, en pleine reprise de vie après les mois d’hiver et la décapante sécheresse estivale à venir. En altitude, ces forêts, dont les arbres ont parfois plus de 500 ans, laissent place à la garrigue. Ici, la féerie continue. Les plateaux alpins abritent une faune très sauvage préservée par l’isolement. Des faucons pèlerins virevolten­t le long des vertigineu­x à pic, et le bruit des cornes de mouflons méditerran­éens qui s’entrechoqu­ent se fait parfois entendre dans les vallées à des kilomètres. Extrêmemen­t furtifs, ces animaux sont l’emblème du Supramonte sauvage. Chassés pendant des siècles par les différente­s population­s qui colonisère­nt l’île, ces animaux charismati­ques ne tolèrent pas la présence humaine et les

observer dans leur milieu naturel est un véritable défi. Cependant, le soir venu, des hardes rassemblée­s sur des versants bercés par la chaleur printanièr­e passent pourtant parfois à portée de mes lentilles. La beauté et la dimension des cornes des mâles sont saisissant­es.

PAYSAGES SAISISSANT­S

En journée, l’intensité lumineuse et la réverbérat­ion des roches calcaires sont telles qu’il est difficile de ne pas plisser les yeux. Le paysage paraît alors brûlé et lunaire. Cependant, les lumières matinales et les soirées sont splendides et moins brouillées par la brume de mer, qui s’élève fréquemmen­t comme un léger voile dans l’air. Certains jours où l’atmosphère est très claire, il est possible d’apercevoir les côtes nord-africaines de la Tunisie et de l’Algérie plus au sud. La proximité des montagnes et du littoral me font souvent passer des sommets aux dunes dans la même journée. Peut-être est-ce là la véritable magie de cette île. Cette proximité permanente avec la mer, qui s’offre aux yeux ou aux pieds à chaque détour de sentier. Dans certaines lagunes de bord de mer, des dizaines de flamants roses s’alimentent et s’envolent dans les teintes saumonées du couchant. Décidément, règne en Sardaigne, au-delà des sites balnéaires réputés auprès de la G7 italienne, un véritable petit joyau du patrimoine naturel à découvrir.

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 ??  ?? Benjamin Dy est biologiste et photograph­e de faune sauvage. Il prend plaisir à parcourir des territoire­s peu explorés.
Benjamin Dy est biologiste et photograph­e de faune sauvage. Il prend plaisir à parcourir des territoire­s peu explorés.
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PHOTOS COURTOISIE BENJAMIN DY ∫ 1. Avec une eau si claire, on peut voir le fond marin, même à 20 mètres de profondeur. ∫ 2. Des faucons pèlerins virevolten­t un peu partout dans le ciel de la Sardaigne. ∫ 3. La lumière intense du jour laisse place à une douce lumière à l’aube et au...
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