Le Journal de Quebec - Weekend

DE L’EXPO à l’Osstidcho, et après

- JOSÉE BOILEAU Collaborat­ion spéciale

L’Exposition universell­e de 1967, L’Osstidcho de 1968 – qui la mettra en vedette avec Robert Charlebois, Mouffe et Yvon Deschamps – sont gravés dans la mémoire collective et ceux qui y étaient en parlent avec émotion.

Louise Forestier, elle, est plus terre à terre. Oui, il y avait en elle la jeune Montréalai­se qui, en cet été 67, découvrait le monde à Terre des hommes. Mais il y avait surtout celle qui travaillai­t fort : « Je venais de sortir mon premier disque, j’avais eu un prix à la télévision [ Découverte de l’année 1966 à l’émission

Jeunesse oblige de Radio-Canada]… J’étais la nouvelle, alors ça rentrait les engagement­s ! »

Comme aller chanter à l’Expo. Elle s’y produit, mais y va aussi pour les autres. « On a entendu toutes sortes de musiques, toutes sortes de groupes. J’allais voir tout ce qui se faisait. C’était une plate-forme d’inspiratio­n splendide. »

Au fond, L’Osstidcho est en germe. Elle raconte : « Un moment donné, on s’est mis à fréquenter des boîtes de jazz, à danser. C’est sûr que ça nous a influencés. J’me souviens, j’avais dit à Robert [Charlebois] : “Pourquoi on danse jamais sur les chansons québécoise­s ? Faut danser ! ” Y’est allé faire un p’tit tour en Californie, y’est r’venu, pis on a dansé pas à peu près ! »

Louise Forestier avait connu Charlebois quelques années plus tôt, à l’École nationale de théâtre, et chanté ses premières chansons sur son album de 67, où elle reprenait aussi Gilles Vigneault, Clémence Desrochers, Georges Dor, Claude Gauthier… Un an plus tard, elle se lancera avec lui dans L’Osstidcho, un spectacle qui révolution­nera le genre, où elle poussera ses propres compositio­ns, mais d’où Robert Charlebois sortira vedette, avec elle reléguée dans son ombre.

« Après L’Osstidcho, ç’a été très difficile pour moi. J’ai recommencé en arrière. Sous zéro. »

Elle remonte la pente grâce à la comédie musicale Demain matin Montréal m’attend de Michel Tremblay et François Dompierre, créée en 1970 dans une mise en scène d’André Brassard. Comédienne de formation, chanteuse déjà connue, elle y tient le rôle principal. C’est le succès.

Dès lors, on la verra partout. Comédienne dans le Bye-Bye 70 aux côtés d’Olivier Guimond, puis dans deux films devenus cultes, IXE-13 (1971) et Les

Ordres (1974), elle lance de nouveaux albums, enchaîne des succès comme Dans la prison de

Londres et Pourquoi chanter. Et elle se retrouve à la fois interprète de la chanson-thème ( Faut

fêter ça) de la mythique SaintJean de 1975 et en spectacle sur le mont Royal aux côtés d’Yvon Deschamps et de Gilles Vigneault, qui y chante pour la première fois son Gens du pays.

« Mes dix premières années de carrière, c’était la folie », dit-elle aujourd’hui, d’autant que s’y ajoute la naissance de son fils, Alexis.

Était-elle heureuse de tant d’effervesce­nce ? La réponse est mesurée…

« Moi là-dedans, j’étais un être humain qui apprenait à être une adulte. J’apprenais l’autonomie, j’apprenais que je vivais dans un monde d’hommes, j’apprenais qu’on ne parlait jamais de mes textes, qu’on disait “quelle belle voix, quel talent, quelle présence, quelle beauté !” mais jamais “quels textes !”. Et les filles avaient tout le temps peur de ne pas être parfaites. Ou bien elles se disaient : “les gars écrivent de belles chansons, ils vont m’en écrire une pour moi, je vais être choisie…” Mais moi la situation d’une jeune femme qui attend d’être choisie, et dans ma vie affective, et dans ma vie profession­nelle, je l’ai re-fu-sée. »

Et ce fut toute une affaire à gérer.

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