Le Journal de Quebec - Weekend
UN FILM TENDRE & TOUCHANT
C’est un beau film sensible et émouvant sur l’enfance et la perte d’innocence que propose Luc Picard avec Les rois mongols, son quatrième long métrage à titre de réalisateur, qui confirme une fois de plus ses talents de cinéaste.
Dès son premier film derrière la caméra, L’audition, en 2005, Luc Picard avait montré de belles choses en signant un drame bouleversant, mais imparfait. En adaptant l’oeuvre de Fred Pellerin dans ses deux films suivants ( Babine et Ésimésac), Picard avait dévoilé d’autres belles qualités notamment dans son approche humaine et sensible.
Mais avec Les rois mongols, une adaptation du roman Salut mon roi
mongol ! de l’auteure Nicole Bélanger, Luc Picard signe probablement son oeuvre la plus aboutie et la mieux maîtrisée sur le plan de la réalisation.
Campée à Montréal pendant la crise d’octobre 1970, l’histoire des Rois
mongols tourne autour du personnage de Manon (Milya Corbeil-Gauvreau), une adolescente de 12 ans qui voit son petit monde s’effondrer du jour au lendemain.
Avec un père atteint d’un cancer et une mère qui n’a pas les moyens de s’occuper seule des enfants, Manon s’attend à ce qu’elle et son petit frère Mimi (Anthony Bouchard) soient envoyés dans des familles d’accueil. Pour éviter d’être séparée de son Mimi adoré, elle décide d’élaborer un plan en s’inspirant des enlèvements orchestrés par le Front de libération du Québec (FLQ).
Avec leurs deux cousins Martin (Henri Picard) et Denis (Alexis Guay), Manon et Mimi kidnapperont donc une vieille dame pour s’enfuir en campagne avec elle et pouvoir vivre ensemble sans craindre d’être séparés.
LA CHIMIE OPÈRE
Réaliser un film dont les personnages principaux sont des enfants est toujours un pari risqué. Luc Picard a réussi à le relever en trouvant les bons acteurs pour les rôles et surtout en les dirigeant de façon admirable. D’une grande justesse, le jeu de ses quatre jeunes acteurs s’avère naturel et authentique, et on sent dès la première scène du film une grande complicité entre eux, comme s’ils se connaissaient depuis toujours. La jeune Milya Corbeil-Gauvreau se révèle particulièrement convaincante dans le rôle de Manon.
S’appuyant sur un scénario efficace (écrit par Nicole Bélanger elle-même), Luc Picard a puisé dans ses souvenirs d’enfance pour revisiter la période de la crise d’Octobre à travers les yeux de quatre enfants qui ont du mal à saisir la portée de cet événement historique. Certaines scènes sont d’ailleurs percu- tantes comme celle du débarquement de l’armée dans les rues de Montréal.
Le récit du film, aussi tendre que touchant, est divisé en deux parties : la première, plus sombre, se déroulant dans les rues du quartier HochelagaMaisonneuve. Et la seconde, plus lumineuse, dans laquelle les quatre jeunes savourent une liberté éphémère en s’enfuyant en campagne avec leur otage.
Luc Picard a su raconter cette histoire d’enfance et de perte d’innocence avec une belle sensibilité et une délicate touche d’humour. Les rois
mongols aborde des sujets sérieux et dramatiques en gardant une certaine légèreté et en évitant de tomber dans le côté didactique d’un film historique. La trame musicale, qui comprend plusieurs chansons populaires de l’époque (dont Dolorès de Robert Charlebois et Un musicien parmi tant d’autres d’Harmonium) est particulièrement bien choisie et apporte une belle énergie au film.
Finalement, Les rois mongols s’avère une belle réussite et une des premières belles surprises du cinéma québécois cet automne.