Le Journal de Quebec - Weekend
LA BATAILLE DE BILLIE JEAN KING
POUR LES JOUEUSES DE TENNIS
« Je suis un peu désespérée que les thèmes du film soient encore d’actualité aujourd’hui », disait Emma Stone sur le tapis rouge du long métrage lors du Festival de Toronto le 10 septembre dernier. Désespérée parce que le match, baptisé Battle of the Sexes ( La bataille des sexes du titre) est l’occasion de montrer que, si le statut des femmes dans ce sport – et dans tous les domaines – s’est amélioré depuis 1973, la situation est encore loin de l’égalité salariale.
Lorsque Bobby Riggs défie Billie Jean King, il le fait en clamant que les femmes sont inférieures aux hommes. Il se lance ensuite dans une série de remarques misogynes et parie sur le sexisme ambiant, caractéristique de l’époque. « C’est un homme extrêmement intéressant, de souligner Steve Carell lors de la première du long métrage à Los Angeles. Il était beaucoup plus complexe que ce qu’on peut en penser. J’avais 11 ans lorsque ce match a eu lieu et, même à ce moment-là, je savais que c’était une blague et qu’il faisait ses choux gras de la montée du mouvement de libération des femmes. »
« Je ne crois pas du tout qu’il voulait en faire une leçon de politique, il voulait faire de l’argent et le tout n’était qu’une entreprise d’autopromotion. Il n’était pas un bon acteur. Quand on le regarde répéter que les hommes sont meilleurs que les femmes, il n’a pas l’air sincère. Il n’a fait tout cela que pour exciter le public. »
C’EST PERSONNEL…
Dès les débuts de l’écriture de son scénario, Simon Beaufoy ( Le pouilleux
millionnaire) s’est entretenu pendant neuf heures avec Billie Jean King, la championne de tennis ayant donné son soutien à l’ensemble de la production. Lors d’une conférence de presse donnée, pour le film, au moment de l’US Open le 9 septembre, la sportive a rapporté qu’elle avait regardé l’enregistrement de la diffusion du match des années plus tard et que les commentaires du journaliste sportif Howard Cosell – de dire que si elle se laissait pousser les cheveux et qu’elle enlevait ses lunettes, elle pourrait faire carrière à Hollywood – lui avaient fait dresser les cheveux sur la tête.
« Il n’a pas prononcé un mot sur mes accomplissements sportifs ! Pas un mot, fait remarquer l’athlète. Je n’ai visionné la cassette que 25 ou 30 ans après et je suis restée sans voix. Mais ces réflexions sont tellement représentatives de l’époque et ce que doivent affronter les femmes quotidiennement. »
L’époque est celle du mouvement de libération des femmes. C’est aussi celle
où Billie Jean King milite activement pour que les joueuses de tennis gagnent autant que les hommes et qu’elles disposent de leur propre championnat professionnel. C’est également l’époque où, bien que mariée à Larry King, elle tombe amoureuse de Marilyn Barnett (Andrea Riseborough).
« Je ne pouvais absolument pas être à la hauteur de Billie Jean King, j’ai tout de suite évacué cela, a détaillé Emma Stone avec toute la franchise qu’on lui connaît. Je savais que le mieux que je pouvais faire était de l’étudier autant que possible et d’essayer de transmettre son essence, de montrer cette énergie plutôt que d’essayer d’imiter quelqu’un d’inimitable. »
« ELLE A ÉTÉ UNE COACH »
« C’était la première fois que j’incarnais une personne réelle. Et comme cette personne est Billie Jean King, la pression était immense. Elle m’a soutenue à chaque étape, je n’aurais pas pu demander mieux. Elle a été une coach. Dès que nous nous sommes rencontrées, elle m’a dit que le court de tennis était sa scène, que je savais ce que c’était de donner une prestation sur scène et que lorsqu’elle était sur un court, tous ses combats et toutes ses douleurs disparaissaient, qu’elle ne faisait que regarder la balle. Cette simplification extrême de quelque chose d’aussi complexe et difficile m’a été d’une grande aide. »
Si l’actrice oscarisée de 28 ans a passé énormément de temps avec Billie Jean King, elle a aussi réalisé qu’il fallait qu’elle se détache de la sportive actuelle.
« J’ai pris conscience qu’il fallait que je regarde et que je lise les entrevues qu’elle avait données lorsqu’elle avait aux alentours de la trentaine. Il fallait que je voie ce qui se passait avant qu’elle ait le bénéfice de toutes ces années de rétrospective et de compréhension de son cheminement. J’ai la chance d’avoir, au moment du tournage, le même âge qu’elle à l’époque et j’ai pu me retrouver dans ses désarrois, dans ses interrogations sur son avenir. »