Le Journal de Quebec - Weekend

« Voir l’humain derrière l’image de sous-humain »

- MARIE-FRANCE BORNAIS

Après avoir animé la série télévisée

Face à la rue, Jean-Marie Lapointe a eu envie de poursuivre sa réflexion sur l’itinérance et de partager ses impression­s sur le sujet en allant plus en profondeur. C’est ce qu’il fait dans son nouveau livre, Être face à la rue.

Jean-Marie Lapointe a trouvé le ton juste pour parler d’un sujet délicat, encore socialemen­t tabou, sans tomber dans le misérabili­sme.

« Beaucoup de gens aiment la série documentai­re de 13 émissions qui parle de personnes qui ont été dans la misère, dans la rue, et qui s’en sortent, qui s’en sont sorties ou qui essaient de s’en sortir, ou qui vont peut-être en mourir. C’est pas un sujet sexy, c’est pas un sujet facile à gober, mais les gens regardent la série en rafale », explique-t-il.

Avant même que la série vienne au monde, ça lui arrivait de côtoyer des gens de la rue. « La misère humaine est assez répandue à Montréal. Devant cela, je vis toutes sortes d’émotions : du mépris, du jugement, du malaise, de la peur, de l’inconfort. »

« En même temps, je viens aussi d’une famille d’alcoolique­s. J’ai animé des téléthons, j’accompagne des gens en fin de vie. Je suis sensible à la souffrance humaine, mais cet aspect me rend inconforta­ble. Je le dis dans le livre. »

UN SUJET QUI LUI FAIT PEUR

Quand il croise des itinérants, des gens souffrants, ça lui rentre dedans tellement qu’il écrit régulièrem­ent ses réflexions à ce sujet. Il a fini par se demander pourquoi il était mal à l’aise et de quoi il avait peur en croisant des gens qui quêtent à la sortie du pont Jacques-Cartier.

C’est un sujet qui lui fait peur, dit-il, car l’itinérance guette beaucoup de gens. « Moi, au cours des dix dernières années, j’en ai arraché financière­ment, et pas à peu près. J’ai songé à faire faillite, à trouver des moyens alternatif­s de survivre et je ne savais pas comment j’allais m’en sortir. L’idée de finir mes jours dans la rue, comme un sans-abri, c’est une des peurs qui m’a longtemps habitée. »

« Il suffit d’une succession de badlucks répétées pour que tu puisses te ramasser assez démuni. Ajoute à cela une fragilité au niveau de la santé mentale et tu peux te désorganis­er. Ajoute à cela une sensibilit­é ou une fragilité aux substances, parce que tu décides de t’automédica­menter, de consommer de l’alcool parce que tu vis une dépression. » La descente peut être rapide ? « Ah, mon dieu, oui ! » Surtout lorsque le tissu social s’effrite.

Jean-Marie souhaite que son livre apporte un regard nouveau, sans jugement, plus aimant sur le phénomène de l’itinérance.

« Le livre me permet d’exprimer mes préjugés, mes malaises, mes réflexions, mes peurs. Le tournage de la série, le contact avec les gens et avec les ressources, ça m’a complèteme­nt changé. Ça m’a permis de voir l’humain derrière l’image de sous-humain. Ce sont souvent des personnes qui avaient des vies, des carrières, une maison, des luxes... et qui ont tout perdu. »

Être face à la rue est en librairie.

Jean-Marie Lapointe est conférenci­er, touche-à-tout de l’espace culturel québécois, athlète et bénévole impliqué dans plusieurs causes.

Il a écrit Mon voyage de pêche et Je ne t’oublierai pas.

Il a animé la série Face à la rue, diffusée sur la chaîne télévisée Moi & Cie.

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Jean-Marie Lapointe Être face à la rue Éditions Libre Expression, 152 pages

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