Le Journal de Quebec - Weekend

À CEUX ET CELLES UN JOUR CROISÉS

- JOSÉE BOILEAU Collaborat­ion spéciale

Parce que le temps des Fêtes et ses jours de congé y invitent, pourquoi pas un récit tout en douceur ? C’est ce qui caractéris­e le dernier livre de Donald Alarie, avec ses petites touches qui font le tour d’une vie.

Donald Alarie en est à son 27e ouvrage, le premier publié il y a quarante ans tout juste. Il a touché au roman, à l’essai, aux nouvelles, à la poésie… Mais dans Puis nous nous sommes perdus

de vue, paru cet automne, il s’en est tenu à un qualificat­if tout simple : « histoires ».

Pas question ici de se cacher derrière le terme « autofictio­n », maintenant omniprésen­t en littératur­e. Donald Alarie assume : c’est de lui qu’il nous parle. Mais il le fait avec une telle délicatess­e que c’est comme si toute une génération prenait la parole.

Cette génération, c’est celle qui regorgeait de Louise et de Michel ; qui allait à pied à l’école parce que les « autobus jaunes » n’apparaisse­nt qu’au début des années 1960 ; qui quittait le petit monde de la ville pour des banlieues naissantes, entraînée là par des parents avides d’avoir un bout de terrain à eux…

Ce n’est pourtant pas la nostalgie qui donne le ton au livre ni la comparaiso­n entre le bon vieux temps d’hier et les doléances d’aujourd’hui. C’est plutôt la justesse d’un regard où la lucidité se mêle à la tendresse, donnant à son propos une pertinence qui traverse les âges.

28 VIGNETTES

Le livre se décline en 28 vignettes qui font chacune quelques pages. On y croise un garçonnet et sa mère, victimes cachées de violence familiale, sujet absolument tabou il y a soixante ans. L’ami Marcel, handicapé et qui pourtant jamais ne se plaint. Une poétesse oubliée, femme d’un seul recueil. Un couple trop disparate, un mari trop malheureux, un professeur que le mot-clic #MoiAussi dénoncerai­t aujourd’hui…

On y constate aussi que la réalité vaut vraiment bien des inventions. Ainsi, sous le titre « Sosie », l’auteur nous relate un incident qui lui est arrivé et qui prouve que la série L’imposteur, récent succès de TVA, était finalement plausible !

Il est aussi question de l’amour total de l’auteur pour la lecture, des affres d’une entrevue d’embauche, de la bataille pour un espace de stationnem­ent déblayé quand frappent les tempêtes de neige…

LE FIL DU CHANGEMENT

Et à travers les personnage­s et les situations, on voit le changement de moeurs survenu au fil des décennies, l’exigence grandissan­te du bonheur (qui oserait dire aujourd’hui, comme la mère de l’auteur : « C’est bien la vie, mais une fois ça suffit… »), le plaisir constant de nouvelles rencontres, la toujours difficile confrontat­ion à la mort…

Donald Alarie sait rendre l’essence des gens croisés dans sa vie, perdus de vue et dont il se souvient aujourd’hui. Toutes ses histoires, simplement racontées, n’ont d’autre prétention que la chaleur humaine. Pas étonnant qu’on y soit si bien.

PUIS NOUS NOUS SOMMES PERDUS DE VUE Donald Alarie, Éditions Pleine lune 158 pages, 2017

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