Le Journal de Quebec - Weekend

« Je pense que le milieu de l’humour va bien »

Le scandale sexuel impliquant Gilbert Rozon a profondéme­nt secoué le milieu de l’humour, l’automne dernier. Comment François Bellefeuil­le entrevoit-il cette nouvelle année, avec l’avenir incertain de Juste pour rire et la création d’un nouveau festival d’

- RAPHAËL GENDRON-MARTIN Le Journal de Montréal

« Je pense que le milieu de l’humour va bien », répond d’emblée l’humoriste, qui préfère se ranger dans le camp des optimistes, malgré le tsunami des derniers mois.

« Oui, il y a eu des frictions entre humoristes, car lorsque tu touches à Juste pour rire, tu touches au gagne-pain et à l’insécurité de certains. ll y a des peurs qui sont associées à ça. On reste quand même des travailleu­rs autonomes. Même si ta carrière va bien maintenant, tu ne sais jamais si tu n’auras pas besoin d’un coup de pouce dans trois ans. »

« JE N’AI JAMAIS BIEN AIMÉ GILBERT »

Selon le comique, même si « le royaume s’est effondré », le modèle de Juste pour rire était vieux de 35 ans et il fallait le repenser. « C’est un modèle où il y a des compagnies et des producteur­s qui deviennent vraiment gros à cause de leur festival. Pendant une période de temps, la ville leur appartient. C’est un privilège que la ville résonne humour pendant deux ou trois semaines. Mais je ne vois pas pourquoi on donnerait ce privilège à une compagnie qui ne le fait pas nécessaire­ment pour le spectateur ou la ville. »

Depuis quelques années, François Bellefeuil­le commençait à prendre ses distances avec Juste pour rire. « À un moment donné, quand ce sont les stations de télévision qui viennent te dire qui va être dans ton gala ou non… J’ai déjà animé deux galas, mais ça faisait deux ans que je n’y allais plus. Ça ne me servait plus tant que ça. »

Lors de ses participat­ions au festival, François Bellefeuil­le a eu l’occasion de voir Gilbert Rozon à quelques reprises. « Je le croisais dans les coulisses, mais je n’ai jamais vraiment eu de discussion avec lui. Une fois, il m’a dit deux ou trois conseils en sortant de scène. [...] Je n’ai jamais bien aimé Gilbert. Je sentais peut-être quelque chose, pas nécessaire­ment par rapport aux agressions sexuelles, mais plus par rapport à quelqu’un qui aime utiliser le pouvoir qu’il a envers les gens. »

Au moment de notre entrevue avec l’humoriste, la vente de Juste pour rire n’avait toujours pas été confirmée. Pour François Bellefeuil­le, l’avenir de la compagnie dépend grandement de l’identité du futur acheteur.

« Selon son charisme, il pourrait convaincre les humoristes de se rallier à lui. Peut-être que la coalition des humoristes pourrait servir de négociatio­n pour changer le festival. »

LE NOUVEAU FESTIVAL D’HUMOUR

François Bellefeuil­le ajoute ne pas s’inquiéter des rumeurs qui disent que le siège social de Juste pour rire pourrait quitter Montréal. « Montréal va toujours rester une ville extraordin­aire en humour. Si Juste pour rire s’en va ailleurs, il va falloir que quelqu’un prenne la relève et amène de gros noms internatio­naux ici. Il faut continuer de voir grand. Il faut qu’on ait un festival d’humour bilingue à Montréal. Il faut qu’on reste la plaque tournante de l’humour au Québec. »

Alors qu’il s’était initialeme­nt engagé auprès de Martin Petit, l’automne dernier, pour lancer la coalition des humoristes et le nouveau festival d’humour, Le Grand Montréal comédie fest, François Bellefeuil­le a décidé de se retirer de l’organisati­on.

« Je demeure un sympathisa­nt à la cause et je vais essayer d’y participer si mon horaire le permet. Mais je me suis rendu compte que c’était extrêmemen­t prenant. Je pensais qu’on allait pouvoir régler plusieurs choses en deux ou trois semaines. Mais c’était beaucoup plus que ça. C’était énormément de stress et ça jouait dans des sphères que je ne connaissai­s pas. Je me suis dit que ce n’était pas ce que je voulais faire dans la vie. Moi, c’est de l’humour. Mon lien est avec le spectateur. Je suis un créatif. Mais je lève mon chapeau à Martin Petit pour sa ténacité. »

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