Le Journal de Quebec - Weekend
L’HISTOIRE DU QUÉBEC VUE PAR JEAN-CLAUDE LABRECQUE
Qui était à bord quand le général Charles de Gaulle est arrivé au Québec sur le Colbert ? La caméra de quel documentariste côtoyait Bruce Jenner sur la pelouse du Stade olympique après sa conquête de la médaille d’or en 1976 ? Et qui était dans la chambre
Si vous avez répondu : « le cinéaste Jean-Claude Labrecque », sachez que tous ces événements – qui ont marqué l’histoire du Québec – et bien d’autres sont retracés dans le captivant documentaire Labrecque, une caméra pour la mémoire, tourné par le directeur de la photographie et réalisateur Michel LaVeaux.
Innovateur, audacieux, tout en étant profondément humain, Jean-Claude Labrecque a tourné, à partir des années 1960, de nombreux films qui ont défini une nouvelle façon de faire du cinéma, grâce à son approche originale du cadrage, qui a inspiré toute une génération de cinéastes québécois, et son credo de filmer ses sujets « à hauteur d’homme ».
« On essayait de faire différent », confie Labrecque, aujourd’hui âgé de 79 ans, assis aux côtés de Michel LaVeaux dans le restaurant d’un hôtel de Québec, la ville où il a grandi et où il a tourné ses premières images.
« Ses plans ont fait école. Quand on montait dans un hélicoptère pour tourner, on se faisait dire “t’as besoin d’être aussi bon que Labrecque” », évoque LaVeaux.
ENTÊTÉ
L’un des exploits les plus saisissants de Labrecque est d’avoir filmé au plus près la visite du général de Gaulle. Non seulement avait-il grimpé sur le Colbert quand le bateau du général avait gagné l’île d’Orléans, mais il avait même pu prendre place dans sa voiture décapotable pour le filmer sur la route entre Québec et Montréal.
« Un homme admirable », dit M. Labrecque du général, en se rappelant avoir compté avec lui les rayons d’un arbre pour en déterminer l’âge.
Même au prétexte de tourner un film, il fallait un front de boeuf pour réussir à s’approcher ainsi d’un personnage aussi important. « (Jean-Claude) est audacieux, il refuse de se faire dire non et il a eu la chance de travailler pendant les effervescentes années soixante. Sans son entêtement, il n’aurait pas pu faire un film magnifique, comme lui, sur le général de Gaulle », observe Michel LaVeaux.
CONNIVENCE
Le documentaire de LaVeaux revient aussi sur le documentaire À hauteur d’homme, lorsque Labrecque avait obtenu un accès inédit aux coulisses de la campagne électorale de Bernard Landry.
« La connivence avec Landry était parfaite. Il m’appuyait. Beaucoup de ses ministres étaient contre ça. Mais Landry disait, c’est bon pour la démocratie. »
Et de fait, Labrecque avait immortalisé des moments de colère et d’émotion du premier ministre comme on en voit rarement dans les bulletins de nouvelles. Une seule fois, se souvient Labrecque, il avait éteint sa caméra. « Il s’était fâché contre un syndicaliste en Abitibi. Une engueulade. J’ai trouvé ça trop dur. »
ROCK-STAR
Mais comment a-t-il pu gagner la confiance des Landry, de Gaulle, Jenner, des Marie Uguay, Pierre Bourgault, Félix Leclerc et tous ceux qui ont défilé devant sa caméra ?
« Quand on parle de la démarche à hauteur d’homme, ça se gagne. Il faut être capable d’établir un rapport suffisamment grand avec la personne devant la caméra et un rapport de confiance. Il faut qu’elle sente que tu l’aimes pour te donner le droit de l’approcher. Ça, ça se mérite. Labrecque ainsi que Michel Brault étaient les meilleurs pour le faire. Pour moi, ils étaient des rock-stars, des superstars », explique Michel LaVeaux.