Le Journal de Quebec - Weekend
VISUELLEMENT IMPECCABLE
Le projet de réaliser une fresque qui couvrait 750 ans d’histoire de Montréal constituait un défi de taille, presque casse-gueule, en jumelant sa sortie aux fêtes du 375e de la métropole. Grâce au savoir-faire du cinéaste François Girard, Hochelaga, terre des âmes livre la marchandise. Mais pas avec éclat.
Visuellement impeccable, Hochelaga, terre des âmes manque de souffle sur le plan du scénario. Et ce, bien que Girard ( Le violon rouge, Soie) soit parvenu à déployer une structure narrative astucieuse qui relie entre elles cinq histoires tirées de cinq époques différentes ayant en commun un même lieu, un ruisseau dans le sous-sol du stade PercivalMolson.
Après une introduction qui nous transporte en 1267 lorsque le territoire était occupé par les autochtones, ce ruisseau refait surface, à notre époque, quand le sol se dérobe sous le poids des joueurs de football lors d’un match universitaire.
Le mandat d’examiner le vaste trou est confié à un archéologue d’origine mohawk (joué par le rappeur Samian), motivé par la possibilité d’y découvrir des preuves de l’emplacement du village de Hochelaga.
DES RÉCITS FORTS…
C’est ainsi qu’en déterrant des artefacts, on se transporte dans l’histoire de ce lieu au fil de trois récits distincts.
De ce trio, deux, fictifs, retiennent notre attention. Il y a d’abord cette histoire d’amour au temps des premiers colons entre un Français et une Amérindienne, dont l’issue sera compromise par la fièvre pourpre, maladie qui a décimé la colonie. Puis cette fuite de deux insurgés durant la rébellion des patriotes. Pourchassés par les soldats britanniques, ils trouvent refuge chez une riche veuve anglaise, qui devient du coup traîtresse à sa nation.
Dans les deux cas, on en aurait pris davantage. Les deux avenues étaient fort prometteuses.
… ET UN FAIBLE
Lorsqu’il se frotte à des personnages historiques, par contre, Girard s’égare. Malgré l’intérêt indéniable d’avoir mis en image l’arrivée du célèbre navigateur sur l’île, la rencontre entre Jacques Cartier (noblement incarné par Vincent Perez) et les Iroquoiens, en 1535, reste superficielle et anecdotique.
Ce segment plus terne et le surréalisme insistant de certaines séquences constituent les principaux écueils de cette oeuvre dotée d’un budget, faramineux pour un film québécois, de 15 millions de dollars.
Ces bémols sont cependant réchappés par une photographie superbe et des effets spéciaux de qualité, qui magnifient la beauté du mont Royal et ses environs. Rarement Montréal aura été si belle à l’écran.
UNE MAIN TENDUE
Sauf qu’au-delà de ces considérations artistiques, il se dégage du film de François Girard un désir de réconciliation avec les peuples autochtones. Dans toute sa grandiloquence historique, on sent que Hochelaga, terre des âmes tente de guérir des blessures et de réparer des ponts qui ont été brisés.
Comme si en regardant dans le passé, Girard essayait de mieux définir le présent et le futur de nos relations avec les premiers occupants de ce territoire.