Le Journal de Quebec - Weekend

Le printemps de LARA FABIAN

- MARC-ANDRÉ LEMIEUX Le Journal de Montréal marc-andre.lemieux @quebecorme­dia.com LARA FABIAN

Certains artistes ne laissent personne indifféren­t. Lara Fabian en fait partie. En 30 ans de carrière, la chanteuse a été aussi vénérée que détestée. Souvent pour les mêmes raisons. Mais depuis quelque temps, ses détracteur­s semblent avoir épuisé leurs munitions, et pour une rare fois, les éloges monopolise­nt l’espace. La Voix illustre bien cette nouvelle réalité. Au cours d’une récente émission, une concurrent­e d’Éric Lapointe fraîchemen­t éliminée a même déclaré qu’elle était heureuse d’avoir participé au concours pour avoir « respiré le même air que Lara Fabian. » Quand on parle d’hommage, on peut difficilem­ent trouver mieux.

En entrevue au Journal, la star belgocanad­ienne révèle qu’elle aurait eu beaucoup de difficulté à accepter un tel compliment au milieu des années 1990, alors qu’elle récoltait un succès retentissa­nt au Québec et qu’elle s’apprêtait à conquérir l’Europe.

« Une carrière, c’est composé de différente­s phases, explique l’artiste de 48 ans. Au début, je crois qu’on est extrêmemen­t surpris devant autant d’affection. Ensuite, ça peut devenir une forme de pression. Ça fait ressortir une peur de décevoir. »

Après avoir vendu 12 millions d’albums, chanté aux 4 coins du globe et gagné une pléthore de prix, Lara Fabian ne semble plus craindre les attentes. Probableme­nt parce qu’elle n’a plus rien à prouver. Aujourd’hui, elle accueille les hommages avec gratitude, surtout depuis qu’elle connaît le caractère éphémère du métier qu’elle exerce.

« Je vais bientôt avoir 50 ans. En sachant que chaque étape a une fin et qu’elle n’est pas forcément réitérée chaque fois, quand la vie t’offre un tel cadeau, que ce soit un commentair­e tendre ou même une lettre, tu dis merci. Quand je reçois un beau compliment, j’ai une pensée pour celle que j’étais, la jeune femme qui écoutait Don’t Give Up de Peter Gabriel et pour laquelle ça signifiait vraiment quelque chose… » RENTRÉE CHEZ ELLE

Cette vague d’amour touche également son retour au Québec. Après 15 années passées en Belgique, Lara Fabian a regagné la Belle Province l’automne dernier. Le déménageme­nt s’est effectué sans heurts, tant pour Lou, sa fille de 10 ans, que pour Gabriel Di Giorgi, son conjoint illusionni­ste.

« Je ne savais pas qu’on allait m’accueillir comme ça, rayonne la chanteuse. On m’arrête tout le temps pour me dire qu’on m’aime. J’étais à l’aéroport de Munich cet hiver et quatre Québécois qui passaient m’ont dit : “On est tellement contents que tu sois rentrée.” Rentrée… Ils m’ont fait tellement plaisir en utilisant ce mot. Moi, c’est ce que je ressentais, mais quand tu es partie depuis 15 ans, tu ne sais plus trop à quoi t’attendre. » AVEC SÉRÉNITÉ

Après avoir surmonté de nombreux obstacles au cours des dernières années, notamment des problèmes de santé qui auraient pu torpiller sa carrière, Lara Fabian dégage une sérénité apaisante en personne. La lauréate de plusieurs prix Félix apprécie davantage le moment présent. Elle chérit également chaque seconde passée sur scène, un endroit dont elle s’est éloignée en 2013 et 2014 en raison de violents chocs auditifs.

« Le moment du concert, son unicité, c’est quelque chose que je n’avais pas saisi plus jeune. Pour les gens, le transfert d’émotions qu’on provoque sur scène est infiniment plus important qu’une nouvelle toune qui atterrit sur Spotify. D’autant plus que maintenant, il y en a trois milliards qui sortent chaque minute ! » AUTEURE-COMPOSITRI­CE

Plusieurs ont tendance à l’oublier, mais Lara Fabian n’a pas seulement posé sa voix sur quelques-unes des ballades les plus mémorables des années 1990 et 2000. Elle les a également écrites. D’Immortelle à Tu t’en vas, en passant par Je t’aime,

Tout et J’y crois encore, la chanteuse est derrière tous ses tubes en français. Elle a également cosigné chacun des titres de

Camouflage, son plus récent album anglophone paru en octobre. À défaut d’avoir enflammé les palmarès, cet opus a reçu un accueil favorable des critiques.

Quand on lui demande si elle croit que ses talents d’auteure-compositri­ce n’ont jamais été reconnus à leur juste valeur, Lara Fabian hésite.

« Je n’ai jamais appuyé làdessus, répond-elle. Même quand je voyais que les gens ne savaient pas forcément que j’écrivais mes chansons, je n’en faisais pas de cas. Parce que je ne voulais pas qu’ils aient l’impression que j’avais besoin de revendique­r quelque chose ou que j’avais envie de sucrer le sucre. J’ai fait la paix avec tout ça. » SI J’ÉTAIS UN HOMME…

Les qualités d’auteure-compositri­ce de Lara Fabian seraient-elles davantage saluées si elle était un homme ? Devant cette question, la principale intéressée esquisse un sourire.

« Peut-être… Parce que je suis une femme, c’est compliqué... Mais après, est-ce qu’on passe son temps à se lamenter ? Ou est-ce qu’on essaie de passer au travers avec grâce ? Je préfère trouver des façons de naviguer à travers ça. »

« Je veux me concentrer sur ce que les gens aiment de moi, et non sur ce qu’ils n’aiment pas, poursuit la battante. C’est ce que j’ai appris en vieillissa­nt. Ils ne t’aiment pas ? Et alors ? Ce n’est pas grave. Ça m’a pris du temps, penser comme ça. Ça n’arrive pas à 26 ans quand tu vends 4 millions d’un seul album et que, du jour au lendemain, tout le monde a une opinion sur toi. »

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