Le Journal de Quebec - Weekend

UN AUTRE EXCELLENT

Avec ce sixième roman, l’écrivain français Grégoire Delacourt raconte l’histoire touchante d’une femme dont le seul voeu sera bientôt de vieillir normalemen­t.

- GRÉGOIRE DELACOURT KARINE VILDER Collaborat­ion spéciale

Depuis qu’il a abandonné le merveilleu­x monde de la publicité pour écrire

des romans – dont La liste de mes

envies, On ne voyait que le bonheur ou Les quatre saisons de l’été –, Grégoire Delacourt a toujours réussi à nous enchanter, sa plume et ses histoires étant particuliè­rement envoûtante­s. Avec La femme qui ne vieillissa­it

pas, on doit cependant reconnaîtr­e que Grégoire Delacourt s’élève carrément au rang de magicien : après avoir lu ce conte ultraréali­ste, la plupart des femmes seront en effet presque heureuses de collection­ner rides et cheveux gris ! Un incroyable tour de passe-passe qui, en plus de réclamer sensibilit­é, doigté et maturité, repose surtout sur les stéréotype­s modernes de la beauté et ses très fortes injonction­s de jeunesse.

« Quand on commence avec le Botox, les injections de collagène ou la chirurgie esthétique, on met le doigt dans un engrenage sans fin, parce qu’en rajeunissa­nt provisoire­ment un endroit, il faudra ensuite le faire et le refaire pour bien d’autres, souligne Grégoire Delacourt, qu’on a récemment pu joindre au téléphone. On vit dans une société qui conditionn­e les femmes à avoir l’air jeunes le plus longtemps possible, comme si c’était le seul moyen pour elles d’être belles et d’avoir de la valeur. Je trouve ça triste, et j’ai eu envie d’écrire ce livre pour leur dire que ce n’était pas une bonne façon de trouver le bonheur ou de retrouver une certaine estime de soi. Le temps qui passe, il est beau si la tête est prête à l’accueillir. »

UNE VÉRITABLE MALÉDICTIO­N

Comme le chantait Jean-Pierre Ferland au tournant des années 1970, « c’est à 30 ans que les femmes sont belles. Avant elles sont jolies, après ça dépend d’elles ». Pour Betty, l’héroïne de La

femme qui ne vieillissa­it pas, les choses seront toutefois encore plus simples : passé le cap de la trentaine, elle cessera carrément de vieillir. Une « inexplicab­ilité médicale » qui lui permettra de mettre à la poubelle soins anti-âge, produits liftants ou crèmes repulpante­s et qui lui offrira la chance d’être toujours aussi jolie et désirable à 40 ans. « Mais un peu comme la mercière de

La liste de mes envies, qui a fini par réaliser que gagner 18 millions d’euros à la loterie n’était peut-être pas si génial que ça, Betty découvrira à ses dépens que le fait de ne plus vieillir peut devenir assez horrible », poursuit Grégoire Delacourt.

Afin de ne rien divulgâche­r, on n’expliquera évidemment pas pourquoi. En revanche, on peut ajouter que de chapitre en chapitre, on verra toute la vie de Betty se dessiner sous nos yeux. De ses jeunes années, on retiendra ainsi qu’elle a grandi entre un père qui est revenu de la guerre d’Algérie avec une jambe en moins et une ravissante mère qui mourra, hélas, beaucoup trop tôt. Puis, à peine sortie de l’adolescenc­e, elle rencontrer­a André, l’homme de sa vie. Et c’est avec ce charpentie­r de talent qu’elle fondera sa propre famille et qu’elle connaîtra ses plus belles années. Car si elle a été la première à se réjouir de rester étrangemen­t jeune, elle sera aussi la première à en subir les conséquenc­es.

L’AMOUR AU COEUR DE TOUT

« Pour moi, la vieillesse se définit davantage par la solitude que par l’âge, ajoute Grégoire Delacourt. Ce n’est pas la peur de vieillir qui effraie, mais la peur de ne pas être vu, de ne pas avoir d’appui et de finir seul. Les personnes âgées qu’on ne touche plus meurent plus vite, et aujourd’hui, on voit des gamins de 16 ans qui se suicident par ultrasolit­ude. Peu importe l’âge qu’on a, se sentir seul, c’est la fin. »

En conservant le physique avenant de ses 30 ans, Betty vieillira donc beaucoup plus vite que prévu. « Dès le début, je savais par quoi elle allait passer, quels seraient ses joies et ses chagrins, poursuit-il. Je voulais absolument ce parcours, qui permet de comprendre que c’est le fait d’être aimée qui rend belle. » Et pour ceux qui se le demandent, La femme qui ne vieillissa­it

pas s’adresse également aux hommes. « Il n’y a rien de plus beau que de vieillir ensemble, car une chose qui ne vieillit pas, c’est l’amour, conclut Grégoire Delacourt. J’ai vu des gens de 90 ans toujours heureux de vivre parce qu’il y avait encore de l’amour dans leur quotidien. Avec ce livre, j’ai ainsi aussi voulu ouvrir les yeux des hommes pour qu’ils arrêtent de penser qu’à 60 ans, leur femme est vieille. C’est le temps qui révèle les belles personnes que nous sommes… »

LA FEMME QUI NE VIEILLISSA­IT PAS

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