Le Journal de Quebec - Weekend

UN QUOTIDIEN TROP DIFFICILE À SUPPORTER

- MARIE-FRANCE BORNAIS

L’écrivaine française Delphine de Vigan, maintes fois lauréate pour ses grands succès Rien ne s’oppose

à la nuit et D’après une histoire vraie, s’est intéressée aux secrets cachés et aux abus d’alcool des adolescent­s dans un nouveau roman court, nerveux et percutant, Les loyautés.

Hélène, enseignant­e dans une école secondaire, observe qu’un de ses élèves n’a pas l’air en santé. Son flair aiguisé la fait soupçonner que quelque chose cloche et elle le réfère à l’infirmière. Personne ne trouve ce qui cloche. Pourtant, Théo, avec un autre ami, boit en cachette. Et leurs habitudes risquent de mal tourner.

Delphine de Vigan s’est inspirée d’une histoire qui lui a été racontée par une connaissan­ce, mais l’a adaptée pour les besoins de la fiction, de manière à créer un roman dur, réaliste, à la fin renversant­e.

« Ça faisait un petit moment que j’avais l’idée de travailler sur le thème des loyautés parce que je faisais le constat que cette question des loyautés revenait souvent dans mes réflexions à moi », commente Delphine de Vigan, en entrevue.

« J’avais à la fois l’idée que la loyauté était quelque chose de très positif et qu’on en avait besoin pour vivre, pour se construire, pour se regarder dans la glace. Mais aussi parfois la loyauté nous empêche de dire ou de faire des choses. »

Elle avait aussi envie de revenir à une forme plus courte, à une forme romanesque très resserrée, comme elle l’avait fait avec d’autres romans.

« J’avais le sentiment de raconter quelque chose d’assez nécessaire. J’étais moi-même habitée par le sujet et par la nécessité de dire ces choses sur la séparation des parents, sur l’alcool, des choses qui me semblaient très importante­s. »

PRESSION SUR LES JEUNES

Delphine de Vigan a croisé des personnes qui ont vécu des situations difficiles, comme l’alcoolisme précoce, les mensonges à répétition.

« C’est une question à laquelle sont confrontés beaucoup de parents aujourd’hui, malheureus­ement. La scène finale du roman est arrivée à la fille d’une personne que je connais. (...) Même si je n’ai pas expériment­é cela en tant que mère, je pense que tous les parents, aujourd’hui, savent que les jeunes sont tentés très jeunes par l’alcool. »

« La pression qui est exercée sur les jeunes aujourd’hui est de plus en plus importante. Il y a une incertitud­e sur l’avenir qui est probableme­nt très anxiogène pour eux et qui contribue sans doute au fait qu’ils aient, pour certains, tendance à se réfugier un peu dans des consommati­ons diverses. »

AUTONOMIE

Delphine de Vigan se reconnaît un peu dans tous les personnage­s.

« Ce qui me fascine et qui continue de me plaire tant, dans la fiction, c’est qu’on peut justement à la fois inventer des personnage­s, les créer de toutes pièces, et les nourrir de petits détails, d’expérience­s plus personnell­es. Les quatre personnage­s ont probableme­nt des points communs avec moi. Mais les quatre sont des personnage­s de fiction qui, à un moment donné, prennent leur autonomie propre. »

Le personnage d’Hélène, l’enseignant­e, est d’une importance capitale dans l’histoire.

« J’aime bien cette idée de cette femme qui s’est promis à elle-même qu’elle ne passerait pas à côté de la détresse d’un enfant, et qui va jusqu’au bout même si à la fois elle a raison et à la fois, elle se trompe. »

Delphine de Vigan a publié plusieurs romans, dont Rien ne

s’oppose à la nuit, lauréat en 2011 du Prix du roman Fnac, du Prix du roman France Télévision­s, du prix Renaudot des lycéens et du Grand prix des lectrices de Elle.

D’après une histoire vraie a reçu le prix Renaudot et le prix Goncourt des lycéens en 2015. Ses romans sont traduits dans plus d’une vingtaine de langues.

DELPHINE DE VIGAN — LES LOYAUTÉS

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