Le Journal de Quebec - Weekend

TÉMOIN D’UN DRAME EN VACANCES

- MARIE-FRANCE BORNAIS

Témoin du suicide d’une femme alors qu’elle était en vacances en Espagne, l’écrivaine montréalai­se Annie Perreault s’est inspirée de cet événement tragique pour écrire son premier roman, La femme de

Valence. Elle s’en est servie pour explorer, avec une très belle plume, les thèmes de l’attachemen­t, de l’empathie et de l’indifféren­ce.

À l’été 2009, Claire Halde et sa famille se rendent en Espagne pour passer des vacances. Trois belles journées sont prévues dans un hôtel avec piscine, à Valence, pour prendre une pause de la chaleur intense de l’été. Alors que Claire relaxe sur le toit-terrasse, une femme s’avance vers elle, lui donne son sac à main et s’élance dans le vide.

Le souvenir du drame hante toujours Annie Perreault. « Le début du roman ressemble à ce que j’ai vécu et après, ça part dans la fiction, déclare l’auteure, en entrevue. Sur le coup, j’étais troublée. Une amie m’avait dit : elle est venue vers toi, tu écris... peut-être qu’un jour tu voudras faire quelque chose autour de ça. Sur le coup, je ne pensais pas. »

Les années ont passé, et quand An- nie Perreault parlait de cet événement autour d’elle, elle sentait qu’il y avait quelque chose de poignant. « Les gens se mettaient à ma place, se demandaien­t comment ils auraient réagi. Je me disais, il y a peut-être matière à creuser... »

L’écriture l’a-t-elle apaisée? « On pourrait penser que ça apaise, mais en fait, revisiter la scène par l’écriture, c’est comme si ça avait réveillé ce qui s’était peut-être enfoui dans le corps. De là, peut-être, mon désir d’amener ça de plus en plus vers la fiction, de mettre de la distance, de construire un personnage, d’aller plus loin dans le trouble et dans ce qu’il y a de sombre dans cette histoire. »

COMME UN FILM

Quand cette histoire lui est arrivée, elle a eu l’impression de se retrouver tout à coup dans un film noir et de voir un personnage de David Lynch s’avancer vers elle. « Je pense que le roman a un peu recréé cette atmosphère qui était restée de la scène initiale du choc. »

Pendant qu’elle écrivait le roman, elle trouvait que certains symptômes qu’elle éprouvait ressemblai­ent à ceux du choc post-traumatiqu­e. « C’est comme si le cerveau était reprogramm­é pour voir du danger partout, là où il n’y en a pas, pour percevoir l’environnem­ent qui n’est plus sécuritair­e, suite à un choc. »

À CACHE-CACHE

Annie Perreault note que c’était intéressan­t, comme auteure, de jouer à cache-cache avec son personnage. « Je pense que je me suis plus dissimulée derrière Claire que révélée. Je ne voulais pas écrire un témoignage, c’est clair que je voulais aller du côté de la fiction. Je voulais mettre de la distance entre moi et cette scène-là. »

Le temps passe, mais le souvenir reste, insidieux. « Tu n’es pas chez toi, tu es en gougounes, en bikini, en plein soleil, en plein jour. Il y a rien qui te prépare à ça. Tu ne connais pas la personne, tu ne sais pas la détresse qu’elle traîne avec elle. »

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