Le Journal de Quebec - Weekend

SANS COMPROMIS

- MAXIME DEMERS Le Journal de Montréal maxime.demers @quebecorme­dia.com

À 76 ans (bientôt 77), Denys Arcand n’a plus rien à prouver à personne. Au cours de sa longue et fructueuse carrière, le plus réputé des cinéastes québécois a remporté des prix au Festival de Cannes et même un Oscar. Mais avec son nouveau film, La chute de l’empire américain, il a tenu à s’enlever de la pression pour pouvoir travailler sans compromis et avec une liberté totale. « Je voulais tourner un film pour le fun de le faire, comme quand j’ai commencé à faire du cinéma », confie-t-il.

Denys Arcand ne s’en cache pas : les attentes très élevées qui accompagne­nt la sortie de chacun de ses films ont fini par lui mettre un poids énorme sur les épaules. Le film sera-t-il sélectionn­é au Festival de Cannes ? Sera-t-il bien accueilli par la critique ? Fera-t-il courir les foules ? Ces questions, qui reviennent chaque fois qu’il lance un nouveau film, ont fini par peser lourd dans la tête d’Arcand.

« Pendant longtemps, j’ai vécu avec ce genre de poids sur le dos », admet le réalisateu­r de Jésus de Montréal et des Invasions barbares, en entrevue au Journal. « À chaque nouveau film, tout le monde s’attendait à ce qu’il se retrouve à Cannes. Et s’il n’était pas à Cannes, c’était perçu comme un échec par les journalist­es. Avec mon nouveau film, j’ai eu envie de dire : lâchez-moi, on ne va nulle part avec ce film. D’abord, parce que c’est une comédie policière et que ce n’est pas le genre de film qui va dans les festivals. Et puis parce que j’ai fait tous les festivals que j’avais à faire et que je considère que j’ai gagné tous les prix que j’avais à gagner. « Avec La chute de l’empire améri

cain, j’ai simplement voulu faire un film entre amis, sans obligation de résultat. Je l’ai fait pour le plaisir comme à l’époque de mes films Réjeanne Padova

ni et Gina »

LE POUVOIR DE L’ARGENT

Le titre de ce nouveau film, La chute

de l’empire américain, fait directemen­t écho à l’un de ses plus grands succès,

Le déclin de l’empire américain. Misant sur une imposante distributi­on composée notamment d’Alexandre Landry, Maripier Morin, Pierre Curzi et Rémy Girard, le film raconte l’histoire d’un livreur diplômé en philosophi­e (Landry) qui tombe par hasard sur une scène de

hold-up qui a mal tourné en allant livrer un colis. Se retrouvant devant deux cadavres et deux sacs remplis de billets de banque, il décide de repartir avec le butin sans envisager combien cette décision changera sa vie. « À l’origine, le film s’intitulait Le

triomphe de l’argent », indique Arcand qui célébrera son 77e anniversai­re dans une dizaine de jours.

« Mais à mesure que le film avan- çait, je me disais que ce titre était trop restrictif. Parce qu’il est question de beaucoup d’autres choses dans le film. Il y a des choses plus importante­s que l’argent à la fin de l’histoire comme la compassion, la charité et la fraternité humaine. Je voulais montrer que, même dans ces époques de déclin et de chute, il y a moyen de faire preuve de compassion et de chaleur humaine. »

RETOUR AU FILM POLICIER

Pour Arcand, La chute de l’empire

américain marque un retour au film policier, un genre qu’il a abordé au début de sa carrière, dans ses premiers longs métrages de fiction comme La maudite

galette (1972), Réjeanne Padovani (1973) et Gina (1975). L’idée de départ du scénario vient d’un hold-up qui a eu lieu sur la rue Saint-Jacques il y a quelques années.

En parallèle, Denys Arcand a commencé à s’intéresser au phénomène du blanchimen­t d’argent.

« Je me suis posé la question : comment on fait pour blanchir de l’argent et qui fait ça à Montréal », explique le cinéaste qui a remporté l’Oscar du meilleur film en langue étrangère avec Les

Invasions barbares en 2004. « C’est ce qui m’a amené à me demander ce qui arriverait si quelqu’un trouvait une grande somme d’argent par hasard. Comment ferait-il s’il était assez intelligen­t pour ne pas se faire prendre par la police ? »

Comme tous les films de Denys Arcand, La chute de l’empire améri

cain propose d’abord et avant tout une réflexion sur le Québec moderne : « Tous mes films, ou presque, parlent de l’époque dans laquelle nous vivons, analyse-t-il. Il y a 30 ans, je parlais du déclin de l’empire américain. Et là, c’est encore pire, c’est la chute de l’empire américain.

« Si on pense à la société québécoise d’il y a 50 ans, la religion catholique était plus importante que l’argent. Il y avait des choses fondamenta­les dans la vie qui étaient l’archevêque de Montréal, les prêtres et toute la structure de la société. Un gérant de banque, à l’époque, était quelqu’un de très important dans son quartier. Aujourd’hui, les banques changent toujours de gérants. Pourquoi ? Parce que la banque ne veut plus que son gérant ait des liens d’amitié avec la population pour éviter qu’il concède des prêts à des amis. Aujourd’hui, c’est uniquement l’analyse économique de votre situation qui va faire que vous obtiendrez un prêt.

« Aujourd’hui, c’est juste l’argent qui règne. Avant, il y avait autre chose. Il y avait la famille, les relations de quartier, etc. Tout cela disparaît et toute la société se désagrège. Et la seule valeur qui reste, et qui est indiscutab­le, c’est l’argent. »

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