Le Journal de Quebec - Weekend

UNE RÉSIDENCE HAUTE EN COULEUR !

- JOSÉE BOILEAU Collaborat­ion spéciale

Une résidence pour personnes âgées concentre bien des récits de vie, surtout quand s’y côtoient des ressortiss­ants de différents pays. Cette nouvelle réalité montréalai­se a désormais son roman.

Avec Résidence Séquoia, Rachida M’Faddel signe un roman généreux, ce qui est une force, mais aussi un défaut.

La force, d’abord, c’est de nous faire entrer dans une réalité encore peu exploitée en littératur­e : la vie – car il y en a plein – dans les résidences pour personnes âgées. À quoi l’auteure ajoute une autre dimension : la cohabitati­on de gens issus de différente­s cultures, comme on en voit de plus en plus à Montréal.

On est ici dans le quartier Villeray et des représenta­nts d’une foule de communauté­s se retrouvent à la résidence Séquoia, qui donne son titre au roman. Il y a un Italien, un Brésilien, une Libanaise, un couple natif de Chine, une Iranienne, d’autres encore… et des Québécoise­s de souche.

On se doute bien qu’une résidence où chaque communauté est incarnée avec autant d’équilibre relève de la fiction, mais en forçant ainsi la note, le roman permet de plonger dans leurs trajectoir­es distinctes. On trouvera donc chaque fois un condensé des défis rencontrés par différente­s vagues de migration avant et depuis leur arrivée au Québec.

Les histoires relatées sont touchantes et les liens qui se nouent entre ces résidents, qui n’ont à la base ni passé en commun ni culture commune, témoignent de l’ouverture d’esprit qui prend forme à se côtoyer.

PLUS DE CONCISION

Plusieurs récits sont relatés de trois manières : par un narrateur omniscient, puis grâce aux dialogues entre les personnage­s et encore dans le journal que tient Enzo, l’un des pensionnai­res. Cette multiplica­tion des regards alourdit le propos.

De plus, Rachida M’Faddel use d’un vocabulair­e riche. Il est approprié pour les narrations, mais fausse le ton des dialogues. Les gens ne se parlent pas ainsi dans la vie de tous les jours – pas plus d’ailleurs qu’ils ne se dévoilent autant et aussi facilement.

Néanmoins, si on accepte l’artifice, on comprend que par ces histoires intimes, l’auteure entend souligner des aspects cachés de la vie de plusieurs Montréalai­s. Elle en profite pour bousculer les clichés, sans occulter les heurts, mais toujours avec sensibilit­é. L’amour de Rachida M’Faddel pour ses personnage­s suscite l’adhésion.

Surtout, elle trace un fin portrait de la vieillesse, vécue différemme­nt par les uns et les autres, et rappelle que les personnes âgées ne forment pas un bloc, mais sont avant tout des individus. Cette démonstrat­ion est un des aspects les plus intéressan­ts de ce récit.

On referme le livre en ayant quand même peine à croire que la sympathiqu­e Résidence Séquoia, qui voit au bonheur de ses habitants, ait son pendant dans la vie réelle. Vieillir en institutio­n a si mauvaise presse ! Ce roman fait donc aussi oeuvre utile : peut-être y a-t-il une autre lumière à jeter sur ces résidences méconnues ?

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RÉSIDENCE SÉQUOIA Rachida M’Faddel Fides, 279 pages
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