Le Journal de Quebec - Weekend

HOMMAGE POÉTIQUE À UNE GRANDE ÉCRIVAINE

- MARIE-FRANCE BORNAIS

Pour son sixième livre, Les villes de papier, Dominique Fortier, plusieurs fois récompensé­e pour ses romans précédents, dépeint à sa manière (magnifique !) la vie énigmatiqu­e de la grande écrivaine Emily Dickinson, celle qu’on surnommait « la dame en blanc ».

Emily Dickinson, considérée comme un des écrivains les plus importants du 19e siècle, a toujours refusé de rendre sa poésie publique et a passé les dernières années de sa vie enfermée dans sa chambre.

Les villes de papier – allusion aux noms de villes fictives inscrites sur des cartes routières d’une autre époque pour éviter la contrefaço­n – explore son existence d’une manière très intimiste.

Dominique Fortier en fait un portrait délicat, tout en offrant une réflexion sur les lieux qu’on habite... et qui nous habitent aussi.

Jointe cet été alors qu’elle savourait ses vacances sur la côte du Maine, Dominique Fortier explique que ce livre s’est écrit avec beaucoup de fluidité alors qu’elle peinait depuis deux trois ans sur un autre roman particuliè­rement compliqué.

« C’est une sorte de cadeau. Ça ne m’était jamais arrivé avant. C’est comme si je m’étais fait une cachette : de temps en temps, je me sauvais de mon gros roman malcommode et j’allais écrire une demi-page sur Emily Dickinson et tout à coup, j’avais l’impression de respirer ! »

Elle a écrit le roman dans presque sa totalité au bord de la mer, se réveillant même la nuit avec des phrases toutes faites. Dominique a réussi à marier la justesse et la précision avec un minimum de mots évocateurs, en enlevant tout ce qui n’était pas absolument nécessaire.

UNE FEMME RECLUSE

Dominique est fascinée par l’écriture, la poésie et la personnali­té d’Emily Dickinson.

« Sa vie se résume en trois lignes : elle est allée étudier à quelques heures de chez elle, elle est revenue parce qu’elle était malade, et au fil des ans, le rayon de son activité s’est réduit de plus en plus, comme une espèce de spirale. Elle a passé les dernières années de sa vie en ayant très peu de contact avec l’extérieur.

« De l’extérieur, c’est une vie où il ne se passe rien, mais l’essentiel c’est dans l’écriture qu’on le retrouve, dans sa poésie. C’est là que sa vraie vie se déploie. Sa poésie a un aspect philosophi­e, religieux. C’est une oeuvre qui se cache en même temps qu’elle se dévoile : c’est pour ça que c’est aussi intéressan­t. »

LES LIEUX QU’ON HABITE

Dominique ajoute que son roman parle beaucoup des lieux réels, mais surtout de ce qu’ils représente­nt pour chacun.

« Je pense qu’on habite toujours l’idée d’un lieu avant d’habiter le lieu physique. Je voulais explorer l’idée de foyer – ce qu’on appelle home en anglais. C’est une affaire de souvenirs, de fantômes, de choses qui sont beaucoup plus intangible­s. »

Elle ne souhaitait pas faire un pastiche d’Emily Dickinson, mais plutôt établir une sorte de dialogue avec elle.

« Je voulais éclairer son univers, son existence, ses fantômes à elle avec des bribes de ma vie à moi. Il y a des passages au “je” et ils sont autobiogra­phiques. Ces épisodes de ma vie sont une façon de parler de sa vie à elle. »

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