Le Journal de Quebec - Weekend
OÙ SONT LES COTES D’ÉCOUTES EN 2018 ?
Chaque jour les cotes d’écoute nous sont véhiculées affichant une baisse du nombre de téléspectateurs en direct devant son écran. Si ces chiffres annoncent une perte d’intérêt pour la télévision, c’est loin d’être vrai. L’écoute linéaire s’étiole, mais le public n’a jamais tant consommé de contenu vidéo grâce à la multiplication des plateformes. Mais comme la cote d’écoute est toujours la monnaie d’échange avec les annonceurs, des outils se mettent actuellement en place pour communiquer notre réelle consommation et assurer ainsi la pérennité de nos productions. Portrait de la situation.
« La télévision est le seul média qui peut se vanter de rejoindre 1 à 1,5 million de téléspectateurs y compris les jeunes pour un même projet, observe Jean-François Bourdeau, directeur marketing science pour Omnicom Media Group. Et on remarque une hausse d’écoute sur les différentes plateformes. » Marie-Christine Simard, directrice de groupe aux achats chez Cossette Média est du même avis. « C’est encore la télévision qui bénéficie de la plus grande portée et de la plus haute notoriété. Mais la télé en ligne continue de croître et les géants, comme Netflix, sont venus changer beaucoup de choses. »
Mais pourquoi ce sentiment de panique à l’égard de la chute des chiffres? « Ce qui est regrettable c’est qu’on ne véhicule pas les chiffres confirmés, note Dominique Chaloult, directrice générale de la télévision de Radio-Canada. Certains types d’émissions peuvent connaître une hausse allant jusqu’à 40 % avec le rattrapage. »
RÉVISER LES CHIFFRES
Ruptures a rejoint par exemple 498 000 personnes selon des données préliminaires du 15 octobre de Numéris alors que les données confirmées 7 jours plus tard, incluant les enregistreurs, sont plutôt de 810 000. Un écart plus que considérable qui n’est jamais annoncé au grand public. Et on ne peut compter les visionnements sur les plateformes de type rattrapage, dont Ici Tou.tv, puisque les outils ne sont pas adaptés (seuls les branchements sont comptabilisés). « Si les chiffres révisés étaient sus, ça éviterait une mauvaise perception à l’égard de certaines émissions, affirme Dominique Chaloult. Les Simone n’a pas connu d’énormes cotes d’écoute en linéaire, mais on voit que sur d’autres plateformes, ça cartonne ! »
Mme Chaloult fait aussi remarquer que la diffusion sur les plateformes comme Ici Tou.tv Extra n’altère pas les cotes lors de la présentation à la télé traditionnelle. « Nous avons eu de bons résultats avec Cheval-Serpent, même chose pour Trop. Nous n’avons pas actuellement un budget mirobolant pour créer du contenu sur ces plateformes. La télévision nous permet d’offrir des produits sur des plateformes en développement et d’avenir. » Notons que TVA adopte une stratégie similaire avec son Club illico.
ACTUALISER LA FAÇON DE FAIRE
Au Québec, c’est Numéris qui sonde le public afin de connaître ses habitudes d’écoute, donnant naissance aux fameuses cotes. « Toute l’industrie se base sur ces chiffres pour vendre du temps d’antenne, explique Catherine Malo qui en est la directrice générale. Tout le monde s’entend pour dire que l’écoute linéaire domine encore. Mais on assiste à une augmentation des contenus sur les plateformes ce qui nous
oblige à avoir des discussions afin de s’adapter à toutes les formes d’écoute. »
Numéris, en partenariat avec Kantar Media, travaille actuellement sur un projet pilote qui devrait être accessible au Québec l’automne prochain, afin d’avoir une vue globale de la consommation réelle des spectateurs. « Actuellement, c’est tellement fragmenté qu’il faut avoir des règles d’édition standardisées. Tout le monde doit avoir la même définition d’une écoute, poursuit Catherine Malo de chez Numéris. Ces informations permettront une meilleure stratégie de distribution en comprenant qui consomme quoi, à quel moment et sur quelle plateforme. Les ventes, la programmation et les créateurs de contenu auront la réelle portée de leur message. »
« Déjà chez Cossette nous avons des spécialistes vidéo qui regardent l’ensemble de la performance d’une émission sur les différentes plateformes, explique Marie-Christine Simard. Mais il est plus difficile de monétiser le numérique. » Toutefois, le rattrapage de contenu gratuit avec publicité permet à des annonceurs de rejoindre le public d’une émission spécifique ou d’une catégorie de consommateurs (ceux qui regardent des séries de fiction, par exemple). On procède alors à l’achat d’impressions numériques pour une clientèle ciblée, ce qui est très différent des spots publicitaires vendus sur la télé conventionnelle. DES HEURES D’ÉCOUTE
Comme le précise Jean-François Bourdeau d’Omnicom, la télé est loin d’être morte. « Si on regarde les 18-34 ans par exemple, on a pu observer une chute de 24 % des cotes dans les 10 dernières années, dont 16 % seulement entre 2016 et 2017. Mais ce groupe regarde toujours actuellement en moyenne 17 h de télévision par semaine (incluant l’écoute en direct et les enregistreurs). À ça s’additionnent 18 h de vidéo en ligne chaque semaine provenant du pureplay (plateformes en continu indépendantes – Netflix, Amazon) ou du co-branded (plateformes associées aux télédiffuseurs – Illico, Ici.tou.tv, Noovo). Ça fait quand même une moyenne de consommation de 5 h par jour. Ils ne sont pas si loin des 65 ans et plus qui sont généralement plus devant leur téléviseur à raison de 50 h par semaine. »
Bref, il y a encore du monde devant la télé, ou toute forme d’écran, en quête de contenu stimulant. Ça va vite !