Le Journal de Quebec - Weekend
UN THRILLER AU COEUR DE LA FOLIE ET DE L’ALLEMAGNE NAZIE
Les éditions Albin Michel publient cet automne le tout premier roman du Danois Jussi Adler-Olsen, L’Unité Alphabet. Ce roman décapant, mêlant le suspense et l’analyse psychologique avait fait un tonnerre au Danemark, se classant immédiatement dans la liste des best-sellers à sa sortie en 2007.
MARIE-FRANCE BORNAIS
Adler-Olsen a confirmé son énorme talent en publiant plusieurs romans par la suite, récoltant les prix les plus prestigieux et gagnant la faveur d’un lectorat fidèle à la grandeur de la planète.
L’Unité Alphabet débute au cours de la Deuxième Guerre mondiale, après l’écrasement de l’avion des militaires britanniques James Teasdale et Bryan Young en sol allemand.
Sauvant leur peau, ils sautent dans un train bourré de SS, jettent deux hommes par la fenêtre et s’emparent de leur identité.
Les deux jeunes pilotes d’élite se retrouvent alors dans l’Unité Alphabet, un hôpital psychiatrique où ils doivent simuler la démence s’ils veulent s’en sortir.
Leur amitié et leur courage sont mis à rude épreuve lorsqu’ils réalisent qu’ils ne sont pas les seuls à feindre la folie.
EXPÉRIENCES PSYCHIATRIQUES
En entrevue par courriel, Jussi Adler-Olsen explique que son père était psychiatre et qu’il vivait, enfant, dans les résidences officielles des différents hôpitaux où il était en fonction.
« J’étais habitué à voir des patients enfermés dans des cages, dehors, où ils criaient très souvent. C’était leur façon de prendre l’air. Et puis, en 1956, quelque chose a changé de façon radicale : avec l’administration de médicaments, les cages n’étaient plus nécessaires et les patients, plus tranquilles. »
« J’ai demandé à mon père ce qui s’était passé. Il m’a parlé des nouveaux médicaments venus des États-Unis. Plus tard, en faisant des recherches, j’ai appris qu’ils avaient en fait été élaborés à la suite d’expériences menées en Allemagne pendant la Deuxième Guerre mondiale. »
L’écrivain ajoute qu’à l’époque, les médicaments expérimentaux étaient très coûteux et prescrits seulement aux personnes spéciales.
« Les officiers SS étaient des personnes spéciales, et ces médicaments pouvaient les ramener au front. Si quelque chose se passait mal et qu’ils mouraient, c’était de façon honorable. »
Il ajoute qu’il était mal vu, à l’époque, que les hauts gradés souffrent de problèmes de santé mentale, même si plu- sieurs avaient été témoins d’atrocités et avaient vu mourir leurs camarades. « Plusieurs soldats souffrant de ce qu’on appelle aujourd’hui le trouble de stress post-traumatique ont été soumis à ces expériences. » À son avis, l’Unité Alphabet n’est pas un roman de guerre, mais un roman qui décrit les relations humaines lorsqu’elles sont sujettes à une pression incompréhensible, dans des conditions extrêmes. « C’est aussi un roman qui parle des conflits et, en ce sens, le théâtre de la Seconde Guerre mondiale représentait la confrontation ultime. »
VISITER FRIBOURG
Il a d’ailleurs consacré une année entière de recherche à l’histoire militaire, avant d’entamer l’écriture du roman.
« Il faut se souvenir que c’était avant Google. J’ai passé plus d’un an dans plusieurs bibliothèques spécialisées en histoire militaire pour recueillir toute l’information importante nécessaire. »
Il avait écrit tout le roman avant d’aller visiter Fribourg et les régions avoisinantes.
« J’ai ensuite réécrit des parties du roman, parce que c’est pour moi très important que chaque détail soit juste. Autrement, toute la crédibilité de mon roman en souffrirait. Lorsque j’étais làbas, c’était très intense : j’avais le sentiment de marcher dans mon propre rêve... qui était en même temps un cauchemar. »
Les personnages de James et de Bryan, de jeunes hommes ordinaires confrontés à des situations horribles en temps de guerre, lui ont donné l’occasion de dépeindre les sentiments humains.
« Le thème principal du roman explore l’idée de la trahison et de la tromperie. Qui a raison, qui a tort? »
Jussi Adler-Olsen est lauréat du dernier Ripper Award (prix européen du polar).
Il a remporté le Prix Boréales du polar nordique en 2014 pour l’ensemble de la série Département V.
Il travaille en ce moment sur le huitième tome de la série Départe
ment V, dans lequel on découvrira les secrets d’Assad.