Le Journal de Quebec - Weekend
UN DON POUR CHANGER DE PEAU !
L’écrivaine québécoise d’origine sénégalaise, Ayavi Lake, surprend avec la publication d’un recueil de nouvelles qui se lit comme un roman généreux et plein de vie, Le Marabout. Avec une plume riche de ses expériences « d’éternelle immigrée », elle dépeint l’incroyable histoire d’un sorcier africain qui « vole » la peau des femmes blanches dans le quartier ParcExtension, à Montréal.
Entre une mère surmenée qui décode la société québécoise, le fantôme de Réjean Ducharme et les enregistrements des émissions de Serge Bouchard, Ayavi Lake fait vivre son univers farfelu et ses personnages avec humour, intelligence et intensité.
La voix d’Ayavi est unique : son héritage sénégalais transparaît dans son écriture et elle partage son parcours de femme qui se plaît beaucoup au Québec.
« Parc-Extension m’a beaucoup inspirée. J’y ai habité à peu près huit ans. Au Sénégal, le marabout est un personnage mystique qui représente un peu le lien entre Dieu et les ancêtres, qu’on consulte souvent. Ce mélange de culture et mon relent sénégalais m’ont inspiré ce personnage du marabout », dit-elle en entrevue.
Bouba, son marabout de Parc-Extension, et ses drôles d’acolytes n’ont pas toujours des intentions bienveillantes... et l’idée folle de changer de peau leur réserve des surprises.
« Je suis sénégalaise, mais j’ai tout sauf le type sénégalais. Je suis assez claire de peau, mon nom ne sonne absolument pas sénégalais. Partout où je suis allée, j’ai toujours dû justifier ma “sénégalité”. On me prenait pour une Antillaise, pour une Haïtienne, pour une Camerounaise », explique-t-elle.
« C’est ce qui m’a donné l’idée de changer de peau, de faire comme si on est quelqu’un d’autre, sans que personne ne sache qui on est vraiment. »
COLLER UNE ÉTIQUETTE
À travers l’écriture, elle a découvert à quel point on peut encore coller une étiquette à quelqu’un, uniquement par son apparence. « Pourtant, aujourd’hui, ça ne veut plus rien dire. L’apparence, c’est autant le genre que l’appartenance culturelle. On peut de moins en moins, dans les grandes villes, en tout cas, se fier à ce qu’on voit, de prime abord. »
On sent son amour pour le Québec au fil des pages. « Quand je suis arrivée, je suis restée deux mois à Montréal, après je suis allée à Jonquière, où je suis restée un an et demi. Mon premier vrai contact avec le Québec, ç’a été le Saguenay. »
LA CULTURE QUÉBÉCOISE
Elle a bien étudié la culture québécoise. « C’est un apprentissage. Je n’ai pas fini et je suis contente de ne pas avoir fini. J’ai toute la vie pour le faire. En ayant des enfants, j’en apprends encore plus à travers eux. C’est génial, ça ne va jamais s’arrêter! »
Elle admire Serge Bouchard, et en fait souvent mention dans son livre. « Quand je suis arrivée à Montréal, Serge Bouchard a été mon premier contact “anthropologique” concernant tout ce qui était autochtone et personnages oubliés. J’aime beaucoup l’image du patriarche sage, avec sa barbe. J’aime beaucoup ce qu’il représente de cette partie du peuple québécois qui se rattache à l’origine, aux premiers peuples qui étaient ici. »
Une sorte de marabout québécois, de passeur de traditions ? « Oui, parfaitement ! »
En librairie le 23 janvier.
Ayavi Lake est née à Dakar, au Sénégal, en 1980, et a poursuivi ses études en France avant d’immigrer au Québec.
Elle est mère de deux enfants et enseigne la littérature au Collège LaSalle.
Elle vit à Montréal et travaille sur d’autres projets d’écriture.