Le Journal de Quebec - Weekend

UNE LECTRICE CONSTANTE

Avant de monter sur scène pour ses prochains spectacles, Ariane Moffatt chante les louanges d’Hubert Aquin, de Gaétan Soucy ou de Pauline Delabroy-Allard.

- KARINE VILDER Collaborat­ion spéciale

Pourquoi aimez-vous autant lire?

J’aime lire parce que je trouve que l’exercice de la lecture nous donne un accès privilégié à la tête et au coeur d’un autre être humain. Se glisser dans le récit d’un auteur, c’est une expérience qui peut être vraiment profonde, vraiment pure. Je dois dire aussi que les mots ont toujours eu un grand pouvoir d’attraction sur moi. Une jolie phrase peut me procurer beaucoup de bonheur. J’aime lire aussi parce que la lecture demande une certaine concentrat­ion qui crée le silence à l’intérieur de soi. Et ce silence est plus précieux que jamais de nos jours (en tout cas pour moi).

Vous avez toujours été une grande lectrice?

Je ne sais pas si je suis une si grande lectrice, mais je dirais que je suis une lectrice assez… constante. Étant donné qu’il est possible de lire sans sortir de chez soi ou encore un peu partout (sur la route par exemple), j’ai augmenté la cadence durant les dernières années pour pallier la grande diminution de mes activités sociales (mère de trois jeunes enfants oblige !).

Est-ce qu’il y a un livre qui a été pour vous particuliè­rement important?

Toujours difficile d’en choisir un seul…

L’écume des jours de Boris Vian m’avait complèteme­nt subjuguée quand je l’ai lu au cégep. Pour sa fantaisie, cette transmissi­on des possibilit­és infinies de l’imaginatio­n dans un récit. Prochain épisode d’Hubert Aquin aussi. Pour son climat, le degré de son intensité. Ça ne s’explique pas toujours facilement, le mood dans lequel nous plonge un livre qui vient nous chercher. J’ai été marquée par l’habile manière de faire cohabiter un volet si engagé politiquem­ent avec celui d’un discours intérieur extrêmemen­t intime. L’oeuvre de Réjean Ducharme ( L’hiver de force). C’est dérangeant, cru et si fascinant. Une voix unique qu’on a beaucoup tenté de reproduire, en vain…

Vous pouvez nous dire quels ont été jusqu’à présent vos plus gros coups de coeur.

√ La bascule du souffle d’Herta Müller. Le quotidien de Léopold, un jeune Roumain envoyé dans les camps de travail en Russie à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Écrit comme ça, on peut se demander ce que ce livre peut avoir de si magique, mais la réponse est dans la plume toute en finesse et en poésie d’Herta Müller (prix Nobel de littératur­e en 2009). √ La fiancée américaine d’Éric Dupont, qui est un joyau de notre littératur­e. Sa connaissan­ce de l’histoire et les grandes recherches qu’il effectue nous permettent de voyager dans ses romans-fleuves où les liens familiaux ou amoureux tous genres confondus sont souvent célébrés. On peut parler de

page turner avec énormément de substance et de liberté. √ La petite fille qui aimait trop les allumettes, de feu Gaétan Soucy, un autre regretté écrivain québécois qui signe

ce troisième roman autour de deux adolescent­s vivant reclus du monde sous le joug maladif de leur père. C’est une quête personnell­e profondéme­nt dure, crue et bouleversa­nte à travers la voix de ces jeunes que l’on a privés de repères.

√ Le lambeau de Philippe Lançon. Par où commencer pour parler de ce roman-choc de 2018 ? Le récit autobiogra­phique de reconstruc­tion (physique comme affective) d’une des victimes de l’attentat de Charlie Hebdo, le journalist­e Philippe Lançon. Rarement je me suis sentie autant dans l’esprit de quelqu’un en lisant ses mots. Sa grande érudition lui permet de rendre hommage à l’art et à la littératur­e tout au long de ce roman bouleversa­nt.

√ L’énigme du retour de Dany Laferrière. Le récit d’un homme qui retourne sur sa terre natale d’Haïti pour y enterrer son père. Dany Laferrière est l’écrivain des sens, il nous fait carrément voyager dans ses bagages. Sa plume est trempée dans la tendresse et la poésie. Un auteur délectable !

Quelle a été votre toute dernière découverte?

Je viens de terminer un bouquin brûlant de passion et de vérité. Il s’agit de Ça ra

conte Sarah, premier roman de l’auteure française Pauline Delabroy-Allard. Un livre qui se dévore en 24 heures tellement l’écriture est galopante. Une histoire en deux temps sur l’ascension puis la chute d’une grande passion entre deux femmes qui ne s’y attendaien­t pas. C’est enlevant, beaucoup à cause de cette capacité qu’a l’auteure de se commettre sans retenue, intensité dans le tapis.

Enfin, que comptez-vous absolument lire sous peu?

Je n’ai pas encore décidé si j’allais me taper le dernier Houellebec­q ( Sérotonine) et pour l’instant, je savoure le roman de la Québécoise Catherine Mavrikakis, Le ciel de Bay City.

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