Le Journal de Quebec - Weekend
DU CINÉMA PARTOUT À LA TÉLÉ
En février, le cinéma est partout. C’est le début des festivals internationaux, c’est le mois des récompenses de toutes sortes, dont les prestigieux Oscars. En jetant un oeil à la programmation des différentes chaînes télé, on se rend compte que le cinéma
« Le cinéma, on dit que c’est le 7e art. Il est accessible, séduisant, rassembleur, avance Geneviève Royer, directrice aux acquisitions à Télé-Québec. Un film est rassembleur et réconfortant, confirme Christine Maestracci, directrice principale des acquisitions de Québecor Contenu. Il permet de faire une pause, de faire rêver.
Contrairement aux séries qui représentent un engagement à plus long terme, un film ne demande qu’une disponibilité de 2 h, observe Michel Pelletier, premier directeur, acquisition de contenu à la Société Radio-Canada. On s’y fait raconter une histoire complète en un seul moment. Les gens n’ont pas toujours le goût de choisir, remarque Brigitte Vincent, vice-présidente exécutive, Contenu, Groupe V Média. Nous, on leur offre une proposition. »
Sans délaisser les salles de cinéma, le spectateur se voit offrir une palette de films dans le confort de son salon, sans avoir à affronter les trottoirs glissants. Pour toutes ces raisons, le cinéma a sa place sur nos ondes. Mais comment la sélection des films se fait-elle pour bien s’immiscer dans l’ADN de chacune des chaînes ?
SENSATIONS FORTES
Du côté des chaînes spécialisées, le mandat est clair. « Sur Addik, on mise sur des films catastrophe, des suspenses, de la tension, cite Suzane Landry, directrice principale, chaînes et programmation du Groupe TVA. Nous avons instigué un nouveau créneau quotidien à 18 h depuis l’automne qui fonctionne très bien (5,5 % de parts de marché). Pour Moi&cie, comme on le fait avec nos productions originales, on recherche des histoires vraies, des faits vécus, des récits qui portent sur des gens connus comme
L’aviateur ou Heineken : l’enlèvement. Pour Yoopa, on vise le co-viewing. » Même chose du côté de Radio-Canada où ARTV propose davantage de films misant sur des valeurs artistiques ou nourrissant la culture.
Mais les généralistes doivent aussi envoyer le message d’un ADN en continuité avec l’image de leur chaîne. « À TVA, on investit dans une stratégie de rendez-vous, poursuit Suzane Landry. Le samedi soir, on mise sur des blockbusters, les après-midis de weekend, sur le cinéma en famille. Ce printemps, ce sera le retour des créneaux thématiques. »
« À V, notre but est d’être diversifié, explique Brigitte Vincent. Offrir un mélange de primeurs et de classiques. On mise davantage sur la force du rendez-vous. Le samedi à 18 h 30, tu sais que tu vas avoir un bon film à V ! Ceci étant dit, comme on le fait pour toute notre grille, on essaie constamment de faire de la contre-programmation. S’il y a du hockey, par exemple, nous allons programmer un film pour les consommateurs moins friands de sport. »
« À Radio-Canada, on recherche des films originaux, qui ont des qualités
cinématographiques intrinsèques, pas juste commerciales, note Michel Pelletier. Un mélange de films québécois, canadiens, français, britanniques, américains. » Télé-Québec de son côté est reconnue pour son créneau jeunesse fort et des films un peu plus cinéphiles le vendredi. « Mais on ne distingue pas film d’auteur et grand public, avance Geneviève Royer. Faire une grille est un savant mélange d’art et de science ! Il faut trouver un équilibre entre les genres. On diffuse quand même 400 films par année, dont 150 pendant la période des Fêtes. »
LE MARCHÉ DE L’ACQUISITION
Il n’est pas toujours facile de mettre la main sur le dernier film primé ou un succès au box-office. « Il y a effectivement beaucoup de demandes pour l’offre, confirme Geneviève Royer. Il y a environ 500 nouveaux titres disponibles chaque année. Chaque acquisition est une victoire ! » Les responsables des acquisitions suivent ce qui se passe dans les marchés et les festivals, négocient avec les distributeurs. Souvent, avant même que les films sortent en salles. « On achète certains films en package, cite Brigitte Vincent en exemple. Ça nous permet d’acquérir un blockbuster, mais aussi d’autres titres qui sont passés un peu sous le radar chez nous, mais qu’on souhaite faire découvrir. »
Christine Maestracci s’occupe des acquisitions non seulement pour TVA et ses chaînes spécialisées, mais aussi pour illico et Club illico. « La force du groupe nous permet de nous positionner comme leader pour aller chercher les meilleurs titres. Toutes les plateformes sont différentes et toutes doivent être nourries. Nous avons le souci d’aller chercher des primeurs, mais aussi des films primés. C’est un marché très compétitif. »
« Comme diffuseur public, on ne rentre pas dans les guerres d’enchères, fait valoir Michel Pelletier qui gère les acquisitions pour Radio-Canada. On ne se bat pas pour le dernier gros film cher avec Tom Cruise. On va préférer miser sur un film comme Brooklyn. » Quand un diffuseur acquiert les droits d’un film, c’est généralement pour quelques années et en exclusivité sur tout le territoire canadien francophone. Quand ce droit vient à échéance, il peut être renouvelé ou mis à la disposition d’un autre acquéreur.
RENTABILITÉ ET INVESTISSEMENTS
Tous les diffuseurs généralistes s’entendent, les films ne remplaceront jamais la production originale qui demeure au centre de leur grille par des émissions de variétés, des magazines, des séries, de l’information ou des contenus jeunesse. C’est le cas en saison « régulière » du moins. Pendant la période des Fêtes et l’été, le cinéma occupe une place grandissante. On observe qu’il comble bien la grille de jour où le bassin de téléspectateurs est moins grand. « La stratégie autour du cinéma vient compléter la programmation originale où TVA investit le plus d’argent. C’est une belle offre quand les séries régulières s’arrêtent, ajoute Suzane Landry. »
Certains films peuvent rejoindre à heure de grande écoute des parts de marché de 30 % du côté de TVA et de 400 000 à 600 000 téléspectateurs du côté d’Ici Radio-Canada Télé. Un investissement qui peut s’avérer rentable.
« À Radio-Canada, le créneau Notre cinéma est diffusé sans pause publicitaire, nuance Michel Pelletier. On ne fait pas d’argent avec les films. Mais ils permettent de faire baisser les coûts d’une grille, en après-midi notamment, afin d’investir dans les productions originales. La télévision n’est pas prête de mourir ! »
PRODUCTION
Si Québecor investit dans la production de trois films par année et dans la restauration de classiques avec son volet Éléphant, Radio-Canada s’est engagée à soutenir le cinéma de chez nous à raison de 12 millions de dollars sur trois ans dans leur création, leur financement, leur promotion. La télévision reste un complice de choix pour faire rayonner les films bien au-delà de leur sortie en salle et nous rappeler les histoires qui nous ont habités.