Le Journal de Quebec - Weekend

FAIRE MAL À UN ENFANT POUR UN FILM, ÇA NE VAUT PAS LA PEINE

– Mélissa Désormeaux-Poulin

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Elle n’avait que six ans quand elle a tourné sa première publicité et a grandi sur les plateaux de tournage. C’est donc de façon toute naturelle que Mélissa Désormeaux-Poulin a pris sous son aile les deux adolescent­es qui lui donnent la réplique dans le drame Dérive.

Mentor ? C’est peut-être un peu fort, réplique avec humilité la comédienne quand on lui demande de préciser le rôle qu’elle a joué sur le plateau envers les jeunes Maèva Tremblay et Éléonore Loiselle, pour qui c’était une première expérience au cinéma.

Un brin maternelle alors? « Ah oui, c’est clair », dit-elle au bout du fil, un sourire dans la voix.

« Ça va de soi que je protège les enfants quand nous sommes sur un plateau, qui est quand même un milieu d’adultes. Ça se fait tout seul. Avec Maèva et Éléonore, on a beaucoup jasé du métier et j’ai pris soin d’elles. »

À preuve, les précaution­s qu’elle a prises dans une scène qui lui demandait de gifler la jeune Loiselle. « Faire mal physiqueme­nt à un enfant pour un film, pour moi, ça ne vaut pas la peine. Donc, on a fait semblant. Je l’ai toujours effleurée. C’était ma limite. Je ne trouve pas qu’on a besoin de se déchirer autant pour un film. »

LE PASSAGE À L’ÂGE ADULTE

Réalisé par David Uloth ( 2 Frogs dans l’Ouest) à partir d’un scénario mûri pendant dix ans par Chloé Cinq-Mars, Dérive raconte les difficulté­s que rencontren­t une mère (Désormeaux-Poulin) et ses deux filles, Océane (Loiselle) et Marine (Tremblay), un an après le décès de son mari (Réal Bossé).

Pendant que la maman peine à joindre les deux bouts et se cherche du travail, la plus vieille découvre rudement l’amour au bras d’un homme plus âgé et la plus jeune, qui refuse de croire au décès de son père, subit de l’intimidati­on à l’école secondaire.

C’est ce qui fait dire à Mélissa Désormeaux-Poulin que Dérive n’est pas un autre film pour le deuil.

« Je le vois plus comme un passage à l’âge adulte pour tous les personnage­s, une étape qui a été brutale pour les trois. C’est vrai qu’il y a eu beaucoup de films sur le deuil, mais ici on est plutôt dans la résilience. »

SCÈNE TROUBLANTE

Une scène de Dérive s’avère hautement troublante, surtout à l’ère de #MeToo. Il s’agit d’un viol dont est victime Océane lors de sa première soirée avec Félix, un personnage joué par Emmanuel Schwartz.

Le tournage de la séquence exigeait un maximum de précaution et de délicatess­e, surtout que Schwartz avait plus de deux fois l’âge de la jeune comé- dienne, qui n’avait alors que quinze ans.

Porte-parole d’un organisme qui vient en aide aux jeunes victimes de violences sexuelles dans la vie de tous les jours, Mélissa Désormeaux-Poulin ne pouvait rester insensible au tournage d’une telle scène même si elle n’en faisait pas partie. Elle se réjouit que le résultat à l’écran ne soit pas « politiquem­ent correct ».

« Je trouvais la scène parfaite. Quand tu commences ta vie sexuelle et tu ne sais pas comment ça se passe, tu as parfois l’impression que c’est comme ça que c’est supposé de se passer. Souvent, l’agresseur est sympathiqu­e et séduisant [comme Félix] et c’est pour ça que les victimes ont de la difficulté à dénoncer. Dans le film, c’est exactement ce qui se passe. La jeune fille va retourner vers cet agresseur parce qu’elle a l’impression qu’elle existe. C’est très bien fait parce que c’est comme ça que les jeunes filles le vivent. »

Dérive, qui prend l’affiche ce weekend, met aussi en vedette Émilie Bierre, Isabelle Nélisse et Estelle Fournier.

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CÉDRIC BÉLANGER Le Journal de Québec cedric.belanger @quebecorme­dia.com

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