Le Journal de Quebec - Weekend
Dédramatiser la mort
Rire en vivant un deuil, c’est possible. La cinéaste Marquise Lepage l’a découvert en se frottant aux rituels mortuaires festifs des Mexicains et elle souhaite maintenant partager cette nouvelle vision de la mort dans son film Apapacho – une caresse pour
Le Journal de Québec cedric.belanger@quebecormedia.com
Mme Lepage pleurait la perte de sa soeur lorsqu’elle s’est retrouvée dans un festival au Mexique, il y a quelques années, en plein mois d’octobre.
« Une productrice que j’ai rencontrée m’a proposé d’aller dans sa famille pour la fête des Morts. J’ai hésité, je croyais que j’allais passer mon temps à pleurer. Finalement, l’effet a été totalement contraire. J’ai été bouleversée positivement par la façon qu’ils ont de rendre vivants leurs morts », raconte Marquise Lepage.
L’effet a été tel qu’elle a uni ses forces avec la productrice en question pour écrire un film basé sur l’expérience qu’elle avait vécue. En y injectant une bonne dose d’humour, elle propose un récit où deux soeurs, Estelle et Karine (Fanny Mallette et Laurence Leboeuf), affectées par le décès brutal de leur autre soeur Liliane (Eugénie Beaudry), changent leur regard sur la mort lors d’un séjour au Mexique.
« Il faut dédramatiser ces moments », soutient désormais la cinéaste qui a fait sa marque dans le milieu du documentaire.
UNE PREMIÈRE POUR FANNY ET LAURENCE
Le voyage au Mexique aura aussi été celui de la première rencontre devant la caméra de deux des plus brillantes actrices québécoises du moment. Jamais auparavant les routes de Fanny Mallette et Laurence Leboeuf ne s’étaient croisées. Quoi de mieux que de tourner à 4000 kilomètres pour apprendre à se connaître.
« Il s’est créé un rapport de protection et de complicité tout au long du tournage. Nous nous sommes découvertes et c’est devenu une amie. En plus, comme nous avions aussi beaucoup de respect pour l’artiste, on avait hâte de jouer et de se mesurer l’une à l’autre », dit Fanny Mallette.
Laurence Leboeuf, qui n’était pas disponible pour discuter du film, a dû apprendre à parler espagnol sur le tas étant donné que son personnage le parle couramment, révèle Marquise Lepage.
« Au Mexique, ils m’ont dit qu’elle avait à peine l’accent. Elle a une oreille musicale extraordinaire. Je lui avais demandé si ça la dérangeait et elle m’avait dit qu’elle aimait les défis. Son espagnol m’a beaucoup impressionnée. »
VIVES ÉMOTIONS
Si la légèreté est en général de mise dans Apapacho, des portions du film sont tout de même, mort oblige, lourdement chargées en émotion.
La comédienne Eugénie Beaudry, qui incarne la disparue qu’on revoit à travers des messages vidéo et des apparitions à ses soeurs, porte sur ses épaules la majorité des scènes à fleur de peau. Un peu à la façon d’Isabelle Blais dans Les invasions barbares, elle fait des adieux déchirants en s’adressant, seule devant la caméra de son ordinateur, à celles qu’elle laisse derrière.
« J’ai abordé ces scènes avec beaucoup d’amour et de lumière. J’ai sorti mon côté maternel », explique-t-elle.
Parfois, ça allait très loin dans l’émotion, ajoute Eugénie Beaudry. Trop même, aux yeux de Marquise Lepage, qui a préféré couper une scène où Karine berce le corps sans vie de Liliane.
« Elles étaient tellement bonnes, Eugénie et Laurence, que personne ne pouvait supporter ça. Même si le film est léger à la fin, les gens auraient gardé cette image en tête. »