Le Journal de Quebec - Weekend

ROMAN HYBRIDE RENDANT HOMMAGE À TCHEKHOV

- MARIE-FRANCE BORNAIS

Inspiré, imaginatif, toujours aussi fin observateu­r des travers humains, Michel Tremblay propose cet automne Le coeur en bandoulièr­e, un roman hybride qui marie savamment le roman et le théâtre. Il y rend hommage à l’écrivain et dramaturge russe Anton Tchekhov et à la beauté des couchers de soleil de Key West, où il habite depuis presque trois décennies.

Le roman débute à Key West, alors que le dramaturge des Belles-soeurs replonge avec appréhensi­on dans une pièce inachevée qu’il avait écrite pour rendre hommage à Tchekhov.

Ayant à coeur de la terminer, il la relit, l’annote, la commente et décide finalement de poursuivre l’écriture en dépit des doutes qui l’assaillent.

Sorte de making of de la pièce de théâtre, ce nouvel ouvrage de Michel Tremblay, rempli de coups de gueule et de savoureux dialogues, se réfère en parallèle à Key West, cité bohème autrefois remplie d’artistes, qui a bien changé au fil des ans et des ouragans.

« C’était mon but, d’expliquer un peu comment ça se fait, l’écriture, comment on écrit une pièce de théâtre, et quelles réflexions on se fait. C’était très l’fun à faire », commente Michel Tremblay, en entrevue.

Il est parti de la vérité. Il y a quelques années, il avait entamé l’écriture de cette pièce et, rendu aux deux tiers, il avait bloqué.

« J’avais figé. Je savais que c’était niaiseux, à l’époque, quand c’est arrivé, mais j’avais peur que les acteurs pensent que je ne les aimais pas. Qu’ils prennent la pièce comme une critique d’eux, alors que c’était pas ça du tout. »

Quand il a repris la pièce, il l’a relue, puis tout s’est replacé. « Je me suis arrangé pour que la pièce de Jean-Marc ressemble pas mal aux pièces de Tchekhov, c’est-à-dire des gens malheureux, des familles de malheureux, des gens qui se plaignent. Je voulais, en même temps, laisser assez de choses qui ressemblen­t à mes pièces à moi, pour que les gens me reconnaiss­ent, comme les vacheries du début. Je me suis arrangé pour que ce soit un hommage à Tchekhov et que ce soit une pièce de moi – en tout cas de mon alter ego. »

« PAS LE TALENT DU BONHEUR »

Dans les pièces de Tchekhov, Michel Tremblay apprécie particuliè­rement l’autoanalys­e des personnage­s.

« Ce sont des personnage­s qui n’ont pas le talent du bonheur. Ils pourraient éventuelle­ment être heureux, mais on dirait qu’ils s’arrangent pour être malheureux et se plaignent tout le temps. C’est très universel, à l’intérieur de l’âme humaine, cette lutte pour le bonheur. Mais il y a des gens, dans la vie – j’en connais – qui n’ont pas de talent pour le bonheur. »

Michel Tremblay ajoute que le doute est au coeur de ce roman qu’il qualifie « d’hybride ». Le doute de l’auteur qui vieillit et qui se demande si la société va le mettre sur la voie d’évitement. Est-il lui-même ravagé par le doute? « Devinez ! répond-il. Ça fait 51 ans que je suis là, je ne peux pas ne pas avoir de doute. Je me demande comment ça se fait que le monde m’aime encore ! »

KEY WEST

Michel Tremblay note par ailleurs que l’île de Key West s’est beaucoup

kétainisée depuis 29 ans. « Avant, c’était une île d’artistes, de sculpteurs, de poètes, de peintres qui n’étaient pas riches. Quand je suis arrivé là, c’était un petit peu défraîchi. Un nouveau conseil municipal est arrivé et a décidé de changer la vocation de Key West, ce qui fait que c’est beaucoup plus beau, mais c’est comme un décor de cinéma. Les prix ont beaucoup augmenté et presque tous les artistes sont partis. »

En librairie depuis mercredi.

Michel Tremblay est l’un des écrivains les plus importants de sa génération, et ses pièces de théâtre sont jouées dans le monde entier.

Le cycle des Belles-soeurs, les Chroniques du Plateau-Mont-Royal

et La diaspora des Desrosiers font partie des oeuvres majeures de la littératur­e francophon­e actuelle.

Il sera au Salon du livre de Montréal.

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