Le Journal de Quebec - Weekend

PIANO POUR PAPA

- CÉDRIC BÉLANGER

Il l’appelle son album improbable. En composant pour les musiciens amateurs de l’académie en ligne qui porte son nom, Gregory Charles s’est retrouvé sans s’en rendre compte à créer un album de musique instrument­ale au piano qu’il a dédié à son papa, mort tragiqueme­nt à l’hiver 2018.

Ça s’intitule LEN (diminutif de Lennox, le prénom du paternel) et ça se veut « le résultat thérapeuti­que d’un gars qui a été proche aidant avec ses parents pendant 16 ans et qui les a perdus l’un après l’autre », explique Gregory Charles.

À un an d’intervalle en fait. Le musicien à la prodigieus­e mémoire musicale a d’abord vu partir sa maman, atteinte d’Alzheimer, en janvier 2017.

Un peu plus d’un an plus tard, son papa a été happé à mort par une déneigeuse, un drame qui avait défrayé la chronique, en février 2018.

C’est à lui que fiston a voulu rendre hommage quand il s’est aperçu que les pièces qu’il composait pour ses académicie­ns, selon la méthode d’enseigneme­nt que lui a transmise sa mère, racontaien­t l’histoire de son père.

« Je me souviens de mon père qui s’assoyait dans mon studio et m’écoutait composer. Des fois, il pleurait. Je me disais que ça le touchait parce qu’il voyait ma mère en train de faire ça. J’ai réalisé à quel point sa présence, malgré moi, se retrouvait dans ce que je composais. »

Gregory Charles parle de son album avec émotion. « C’est beau. C’est beau et c’est calme, et c’est serein, c’est mélancoliq­ue et c’est nostalgiqu­e. C’est empreint de deuil et toutes ces affaires-là en même temps. Il est dédié à mon père parce que ça lui ressemble: un bonhomme calme, amoureux de la vie et de ma mère, qui ne jugeait pas et chez qui on ne retrouvait violence dans sa parole. »

MON AMI, LE PIANO

Avec son piano pop soutenu par des orchestrat­ions, LEN s’inscrit de plain-pied dans la vague néoclassiq­ue qui charme le Québec depuis l’avènement d’Alexandra Stréliski et de Jean-Michel Blais.

S’il convient que le timing est bon, Gregory Charles assure qu’il n’a pas prémédité le coup. « Je ne peux pas te dire que je me suis dit : ça marche l’instrument­al, let’s go, on va là-dedans. Je n’ai aucune prétention de cet ordre-là. »

Il reste qu’il a profité des dernières années pour renouer avec le piano. « J’avais oublié à quel point je suis heureux quand j’en joue. C’est comme mon ami. »

Un ami qui le suit, depuis 45 ans, dans les bons comme dans les moins bons moments.

« Quand j’ai commencé à jouer à cinq, six ans, c’était un fardeau. Je détestais pratiquer, j’aimais exclusivem­ent jouer devant du monde. Quand j’ai atteint l’adolescenc­e, c’est devenu le seul moyen que j’avais pour pogner avec les filles parce que je n’avais rien d’autre. Je n’avais pas de char, je n’étais pas particuliè­rement beau, pas particuliè­rement fort, pas particuliè­rement grand. Quand je suis devenu un jeune adulte, même à la fin de l’adolescenc­e, le piano est devenu mon confident. Mon journal intime. À l’âge adulte, c’était un outil. Je faisais du piano à la télé, à la radio, sur scène. »

Le piano a même été son dernier mode de communicat­ion avec sa mère, quand sa mémoire l’a abandonnée.

« Durant les cinq dernières années, elle ne parlait pas du tout. Mais elle chantait encore. Je m’assoyais donc au piano une ou deux fois par semaine avec elle et je jouais. »

L’album LEN est disponible depuis le 15 novembre.

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